mardi 29 septembre 2009

Fable

Une redite ! Mais les choses vraies tolèrent facilement la répétition.

Le tuteur et l’arbrisseau

Un tuteur en vieux pin à un jeune arbrisseau
Avait été adjoint, pour aider sa croissance.
Fort de sa longue vie, sûr de ses connaissances,
Le rondin de bois gris, prit son poulain de haut :

« Vous poussez de guingois : pas assez de rigueur !
« Vous allez par cette voie passer de tristes heures…
« Observez ma prestance ! Copiez-la ou sous peu
« Vous serez de l’engeance qui finit vite au feu ! »

Harcelé par ce triste aîné
Radoteur, hautain, sentencieux,
Le tout jeune arbre tenta au mieux
De tous ces conseils esquiver.

Faisant pousser des branches plus bas qu’il est permis
Il offrit aux bambins le plus aimable nid.
Par son allure qui penche, il fournit un ombrage
Sans tronc inopportun, aux humains de bel âge.

Laissant cours à sa fantaisie,
Il donna bientôt de bons fruits,
Qui devinrent confiture dans le fond d’une marmite,
Et le sinistre ancien fit en sorte qu’elle fut cuite.

mardi 22 septembre 2009

Diplomés


Bon, pour ma part jsuis pas sûr d'être passé à la seconde phase

mardi 8 septembre 2009

Les soldes du foot, vol. III

Fin des textes écrits il y a longtemps mais pas mis en lignes pour diverses raisons. Et là : une trilogie sur le foot (je sais bien que ça n'intéresse pas grand monde), et sur le sport et la technologie.

Jeudi prochain, le sélectionneur national va annoncer la liste des joueurs français sélectionnés pour les éliminatoires de la prochaine grande compétition internationale. La principale question sera de savoir s'il fera de nouveau confiance à Bertin, l'attaquant de RC V., un petit club espagnol. Ce buteur, totalement méconnu il y a encore six mois, a la particularité d'être en tête du classement des buteurs de son championnat avec 13 unités, alors qu'il n'a joué que 6 matches, dont seulement deux comme titulaire.

En fait, Bertin s'est blessé durant le premier match de la saison, après avoir marqué 2 buts. Les ordinateurs espagnols ont calculé à 90% qu'il aurait du mieux résister à la mauvaise réception qui lui a endommagé la cheville, et donc qu'il aurait du participer à tous les matches que sa blessure lui a fait rater en réalité, soit 10 matches répartis sur deux mois et demi. La ligue espagnole a jugé, au vu de sa belle première performance, qu'il aurait du marquer 11 buts s'il avait pu jouer. Depuis son retour, Bertin a donc pris part à 5 matches, mais il n'a plus marqué, ni sur le terrain, ni après l'arbitrage informatique. C'est donc sur la base de performances en grande partie estimées qu'il a été appelé chez les bleus la dernière fois.

Pour le gardien de but, par contre, il n'y aura pas de suprise. C'est Hébert qui sera appelé à être titulaire, comme d'habitude. Le sélectionneur apprécie ses efforts et son don de soi. Il faut dire qu'il n'est pas aidé par une défense en carton-pâte.... Hébert joue en Angleterre, dans l'équipe des Ducks de B. Bien que son équipe encaisse régulièrement deux ou trois buts sur le terrain, les ordinateurs de la league anglaise, qui a toujours tendance à revoir à la baisse le nombre de buts marqués sur le terrain, diminue quasiment systématiquement le nombre de pions pris par Hébert d'au moins une unité... le plus souvent pour récompenser son seul mérite.

C'est exactement le genre d'élément qui plait particulièrement à notre sélectionneur, qui a remarqué -comme tout le monde- que les ordinateurs de l'UEFA et ceux de la league ont une relecture presque similaire des matches.

Pour les autres postes, les seules surprises pourraient venir des postes de milieu récupérateur et latéral droit. L'habituel n°6 des bleus, Lapointe, a tendance a prendre beaucoup de cartons ces derniers temps, sans que les ordinateurs ne reviennent sur les décisions des arbitres de terrain. Sachant que le prochain match des bleus s'annonce tendu face aux Hongrois, vainqueurs 4-0 au match aller (2-1 sur la pelouse), Lapointe, joueur nerveux, pourrait rester à disposition de son club pour cette fois.

Concernant le poste d'arrière droit, un litige oppose la fédé hongroise et l'UEFA. Notre défenseur droit habituel, Laurant, joue au VFB H., en Allemagne. Comme Dragomir, il est actuellement en situation de blessure administrative (les ordinateurs allemand estimant à 71% que l'attitude aggressive d'un de ses adversaires aurait du lui coûter entre 10 et 15 jours d'indisponibilité).

Théoriquement, les réglements ne l'empêche pas de jouer avec une autre équipe durant cette indisponibilité (équipe nationale, matches de gala, jubilés...), mais les Hongrois ont porté réclamation, estimant que Laurant ne devrait en toute justice pas pouvoir jouer contre eux. Ce type de litige est fréquent, et le plus souvent, le joueur obtient le droit de jouer, mais ce n'est pas systématique (en gros, tout dépend des logiciels de relecture utilisés par les ligues impliquées -en l'occurence la ligue allemande- et leur compatibilité avec ceux de l'UEFA). L'UEFA tranchera mercredi, la veille de l'annonce de la liste, ce qui pourrait perturber le sélectionneur dans ses choix.

Même si le groupe ne devrait a priori pas être trop surprenant, je sais que l'annonce du sélectionneur va sans aucun doute beaucoup faire parler chez nous au repas du soir, comme d'habitude. Et je sais que Grand-père pestera -une fois de plus- sur les méthodes de sélections, qui ne reposent pas sur les performances sur le terrain et bla bla bla...

Et nous lui ferons remarquer pour la millième fois que sans les ordinateurs, le sport serait trop aléatoire et que le mérite serait bafoué. Et lui dira :
- Mais le sport ce n'est pas que le mérite ! Un lanceur de javelot...
- Ah, l'éternel cas du lanceur de javelot ! rigolera Aramis en se servant un verre de cidre -nous sommes normands d'origine.
- ...un lanceur de javelot, continuera Grand-père comme si de rien n'était, ne gagne pas s'il a mordu ! Même s'il a fait un jet de dix mètres plus long que ses concurrents ! Et s'il bat le record du monde à l'entrainement ? Il ne gagne rien ! C'est ça le sport ! Votre mérite, vous pouvez bien vous le...
- Papa ! s'écriera ma mère, qui ne connait rien au sport mais qui intervient toujours dans ces moments là.


Puis, vainement, nous essayerons de faire remarquer à Grand-père que si tout marchait comme le sport -dans son fonctionnement actuel, pas celui qu'il regrette à corps et à cris...-, le monde serait nettement moins injuste.
- Le sport n'est pas le monde ! affirmera-t-il sentencieusement. Le sport c'est le loisir, la distraction... c'est justement là que la justice n'est pas nécessaire !

Puis il nous citera les anciennes gloires du foot qui, comme lui, sont opposés aux logiciels de relecture et plaident pour un retour à ce qu'ils appellent le "sport vrai". Et après son argument ultime, il quittera la table d'un air triomphant, comme si l'avis de quelques vedettes oubliées lui donnaient raison de manière incontestable... Le pauvre vieux est tellement prévisible. Il ne cherche plus à débattre objectivement de quoi que ce soit, nous le savons. Les choses évoluent du mieux possible, le foot n'a jamais été aussi suivi, mais il se cantonne dans une nostalgie obstinée. C'est bien normal, à son âge.

Bientôt, heureusement, ces éternels débats n'auront plus cours : d'ici une ou deux générations, tout le monde aura oublié ce bête football où le score est déterminé après 90 minutes...

lundi 7 septembre 2009

Les soldes du foot, vol. II

Fin des textes écrits il y a longtemps mais pas mis en lignes pour diverses raisons. Et là : une trilogie sur le foot (je sais bien que ça n'intéresse pas grand monde), et sur le sport et la technologie.

Corner. La frappe de la tête du grand libéro adverse cogne violemment la barre avant de rebondir au sol. Un léger flottement suit : le ballon a-t-il heurté le gazon devant ou derrière le ligne de but ? Un des attaquants adverses ne se pose pas la question et accourt. Comme la balle reste dangereusement proche de mon but et que aucun de mes coéquipiers ne semble décidé à intervenir, je plonge. D'un coup de poing, j'expédie le ballon loin, très loin là-bas, vers la touche. Même à travers le gant, le choc est rude pour les phalanges, mais au moins, le danger est écarté. Plus que cinq minutes à tenir...

Nous avons tenu bon. À la fin du match, certains de nos adversaires se dirigent vers l'arbitre pour lui parler du ballon litigieux, sur le corner. Ce sont toujours les plus anciens joueurs qui font ça. Pour eux, c'est un réflexe : à notre niveau amateur, les nouvelles règles de validation des résultats sont relativement récentes. L'arbitre se contente d'un sourire, et il montre du doigts deux de ses quatre assistants, ceux qui récupèrent les caméras positionnées de chaque côté du terrain. "La réponse après la relecture, messieurs", lance-t-il.

En tant que capitaine, je suis tenu de rester après la douche pour attendre le résultat de la relecture. Mon frère Aramis et mon ami Athos doivent patienter également : aujourd'hui c'est avec ma voiture que nous sommes venus au stade. Au niveau amateur, les ordinateurs ont besoin de moins de temps pour ré-arbitrer un match : il n'y a que les bandes de deux caméras à visionner. Forcément, les résultats sont moins précis que pour les pros, mais c'est déjà bien de pouvoir bénéficier de cet outil là.

- Vous avez vu à la fin du match ? demande Athos. Il y en a encore pour allez parler à l'arbitre des ballons douteux...
- Quand j'ai commencé le foot, raconte mon grand frère, les arbitres étaient sans cesse emmerdés. Il n'y avait pas encore le post-arbitrage en foot loisir, et forcément, chacun tentait de l'influencer, et chaque décision était motif de colère de la part des uns ou des autres.
- Aramis a même connu le temps ou la CAVI n'existait pas pour les pros, précisé-je pour Athos.
- Oh, je n'ai que sept ans de plus que vous deux, ajoute Aramis avec un petit rire. Je n'ai pas connu les poteaux carrés ! J'ai à peine quelques souvenirs de l'époque précédent le CAVI.
- C'était comment ? demande Athos, intrigué.
- Ben... je m'en rappelle pas trop, comme je disais. Mais j'ai été marqué par une demi-finale de coupe du monde, en Angleterre. C'était nul. Les joueurs simulaient sans cesse... de vrais comédiens ! C'était scandaleux : le fait que des millions de téléspéctateurs les voient tricher ne les empêchaient pas de faire n'importe quoi, du moment que les arbitres n'y voyaient rien. C'était un des derniers matches à arbitrage uniquement en direct, si j'ai bon souvenir. C'est normal que la FIFA ait décidé d'arrêter d'empiler les arbitres sur et à côté du terrain, ça ne suffisait plus...

J'écoute mon frère et j'essaye de visualiser... Un jour, mon petit cousin m'a demandé comment les gens faisaient pour se réveiller avant l'invention du réveil. Il n'arrivait pas à imaginer le monde fonctionner sans ce détail. Même en me triturant les ménages, je me trouve en ce moment dans le même cas : comment imaginer des matches corrompus par la triche ? Comment imaginer les arbitres, perpétuellement influencés et sous pression, prendre les décisions seuls et en un instant ?

L'arbitre de notre match sort enfin de la salle informatique du stade, mettant fin à notre discussion.
- Trois buts à deux pour les visiteurs, dit-il en me tendant la feuille de match. Désolé... c'était un beau match.

Je parcours la feuille du regard, la mort dans l'âme. Notre victoire 2-1 était bien trop juste pour être validée telle quelle. En un coup d'oeil, je constate que la tête du libéro adverse est bel est bien rentrée dans le but... En revanche, dans la case "sanctions administratives", je suis surpris :
- Porthos a pris un carton rouge ! m'exclamé-je. "Anti-jeu et provocations multiples, deux cartons jaunes".
- Ah, c'est un peu étonnant, dit Athos, visblement moins surpris que moi malgré tout. Depuis ta surface, tu ne peux pas tout voir, mais c'est vrai qu'il a un peu abusé sur certaines actions. Enfin, j'aurais jamais cru que ça irait jusqu'au rouge.
- Et nous perdons notre meilleur buteur pour le prochain match, pesté-je.
- Par contre, le carton de Bonacieux pour protestation a été annulé, remarque Aramis en lisant la feuille de match par dessus mon épaule. Ça, c'est bien. Il aurait été suspendu...

Je signe la feuille et m'éloigne du stade avec Aramis et Athos. Arrivé dans la voiture, je suis encore un peu blasé. L'arbitrage a posteriori ne réserve à notre niveau aucune grosse surprise, mais Athos a raison : en tant que gardien de but, je ne peux pas voir tout ce que les caméras surprennent. D'où ma stupeur et ma déception. La suspension de Porthos tombe mal. Dans le jeu, il marque peu, Porthos, mais il se démène et se procure pas mal d'occasions, ce qui lui a déjà valu six buts cette saison après le second arbitrage, contre seulement deux sur le terrain.

Sur le trajet, Athos feuillète l'Équipe.
- Qu'ont dit les ordinateurs de la ligue pour le derby ? demandé-je en espérant fort et contre toute logique que mon pronostique, deux partout, se trouve confirmé.
- Hein ? s'exclame-t-il avant de répondre. Deux buts à un pour le FC Licebroque ! Incroyable ! Comment est- ce qu'ils ont pu...

Dans le rétroviseur, je le regarde chercher fébrilement le résumé du rapport de la ligue en tournant les pages du quotidien, amusé par sa stupeur. Cela dit, j'ai moi-même du mal à croire en ce résultat. Moi qui pensais être excessivement optimiste en espérant un match nul ! Il est vrai que les résultats, ces temps, sont de plus en plus surprenants. La LFP teste des logiciels de plus en plus perfectionnés, qui vont plus loin dans l'analyse des matches.

- Ah, voilà ! murmure Athos. "Les ordinateurs ont jugé (avec une probabilité de 91%) que le latéral droit de SC Locdu, Dorian, sorti sur blessure à la 42ème, aurait du rester sur le terrain une quinzaine de minutes de plus , la béquille qu'il a reçu étant moins grave que ce qu'estimaient les soigneurs de son staff. Son remplaçant, le brésilien Fusião, ayant joué un rôle-clé sur les deux derniers buts tout en étant nettement plus solide que lui défensivement (voir statistiques ci-contre), les ordinateurs ont estimé à 78% les chances de voir un scenario en faveur de FC Licebroque s'il était resté sur le terrain."
- Ah, le FC Licebroque est finlementsupérieur SC Locdu ! fanfaronne Aramis, qui comme moi -et comme toute notre famille-, supporte ce club.
- C'est du vice ! s'exclame Athos. Le SC Locdu est puni pour une fausse blessure... Mais remarque, ça ne m'étonne pas. Depuis le temps que je dis que Fusião a l'étoffe d'un titulaire... pas comme ce Dorian. Si le coach avait plus de jugeotte, aussi !
- Rattrapage au match retour, Athos ! lancé-je à mon tour, provocateur.
- C'est ça, bougonne Athos. Mais... oh, attends ! Ce sera sans Dragomir ! triomphe-t-il soudain.

Je freine brutalement. Dragomir, le gardien de but yougoslave du FC Licebroque, est le meilleur goal du championnat de France depuis trois ans, et c'est aussi véritablement mon modèle. Je regarde Athos, ébahi.
- Le match retour est dans plusieurs mois ! Comment Dragomir pourrait-il être absent aussi longtemps ?
- "Les ordinateurs ont jugé la sortie de Dragomir, à la 80ème, très dangereuse pour lui même. La probabilité pour qu'une telle sortie engendre une blessure lourde de type fracture est de 87%. Le gardien de but aurait donc plus logiquement du subir un arrêt de plusieurs mois, que la ligue officialise sous la forme d'une suspension. Par conséquent, l'équipe du FC Licebroque devra se trouver un nouveau gardien pour la fin de la saison", lit Athos, à son tour amusé.
- Catastrophe ! murmuré-je.
- Ce coup dur ! s'exclame Aramis alors que je redémarre.
- Allez, les gars, tente Athos pour nous consoler. Vaut quand même mieux ça qu'une vraie blessure, pas vraie ?

dimanche 6 septembre 2009

Les soldes du foot, vol. I

Fin des textes écrits il y a longtemps mais pas mis en lignes pour diverses raisons. Et là : une trilogie sur le foot (je sais bien que ça n'intéresse pas grand monde), et sur le sport et la technologie.

Je venais d'éteindre la télévision, un peu déçu. Athos, lui, tapotait l'accoudoir de son fauteuil en sifflotant, l'air particulièrement satisfait.
- Oh, n'en fais pas trop, lui dis-je. Ce n'est peut-être pas fini...
- Pardon ? rigola-t-il. Avec trois à zéro, une belle domination et deux poteaux... c'est fait, c'est gagné.
- Ce n'est jamais fini avant la publication du résultat! lui répondis-je sentencieusement. Il me semble avoir vu une touche accordée alors que la balle n'était pas entièrement sortie... vers la 10ème minute, par là. Ce genre détail, parfois, changent le cours d'un match... Et ça m'étonnerait que l'ordinateur de la ligue ne réagisse pas à l'attitude bien trop nerveuse de l'entraîneur du SC Locdu, qui a sans doute fini par influencer le cinquième arbitre, ajoutai-je sans trop y croire.
- Pfft, soupira-t-il, n'espère pas trop.
- Mouais... je vais faire la vaisselle.


Je devais bien l'avouer: la victoire du SC Locdu (club préféré d'Athos) sur le FC Licebroque (le mien) me semblait parfaitement méritée. Les ordinateurs de la ligue étaient un peu moins pointus que ceux de l'UEFA par exemple, ou des ligues anglaises et italienne. Les chances de voir le résultat entièrement inversé étaient faibles. Alors que j'entamai la vaisselle, Athos posa une feuille de papier sur la table et annonça, un brin provocateur:
- La grille de lotofoot ! Je compte sur toi pour la faire valider avant demain huit heures ?
- Oui, oui...
- Mais ne confonds pas les colonnes ! Je voudrais pas me retrouver avec une victoire du FC Licebroque ...
- Ahah, très subtil, ricanai-je. Rentre vite chez toi, va, et ne sois pas si sûr de toi.
- À demain, rigola-t-il. Dors bien...
- Et toi, dors bien en repensant au 1-0 de la semaine passée, raillai-je.
- Coup-bas ! protesta-t-il. Tu as toi-même admis que c'était une des relectures les plus étonnantes depuis bien longtemps...
- À bientôt !
- Salut...

Alors que le bruit de ses pas s'évanouissait lentement dans la cage d'escalier, je tentai -assez vainement- de trouver un ou des évènements dans le match qui pourraient justifier une modification sensible de ce 3-0. Il n'y en avait aucune, même en cherchant bien... mais, comme à chaque fois, et malgré les sommes que j'avais déjà perdues de cette manière, je me décidai à cocher un improbable 2-2 sur la grille. Les choix du coeur et le lotofoot ne font jamais bon ménage, mais je ne pouvais m'empêcher d'être optimiste, comme si mes pronostiques pouvaient influencer la réalité.

Grand-père entra à ce moment là. Il allait toujours voir les matches du FC Licebroque chez son vieil ami Rochefort. En passant près de la table, il se mit à marmonner.
- Je jette ça ? demanda-t-il en me montrant la grille de loto sportif. Ce sont les matches d'aujourd'hui, vous avez encore oublié de les faire valider à temps.
- Grand père, soupirai-je, les yeux au ciel. Les grilles de Lotofoot se valident entre le match et sa relecture par le CAVI1 de la ligue.
- C'est complètement con, soupira-t-il.

Soucieux d'éviter l'éternelle querelle du lotofoot, je préférai me taire. Mes parents m'avaient bien dit qu'il ne fallait surtout pas échauffer Grand-père. Depuis quelques mois, il perdait un peu la tête, et il répétait de plus en plus souvent la même chose. Deux fois ce mois-ci, j'avais déjà du lui expliquer que le loto sportif consistait en deviner les modifications apportées par les ordinateurs de la ligue aux matches tels qu'ils étaient joués. Et à chaque fois, grand-père s'énervait...

Il y a encor quelques années, les gens pariaient sur les résultats du match avant la relecture -en fait il n'y avait pas de relecture à l'époque. Grand-père avait bien connu ça, il avait même gagné quelques belles sommes de cette manière. Mais les choses avaient évolué dans le bon sens. Il était bien plus logique de parier sur le résultat définitif, puisque désormais la technologie permettait d'obtenir les résultats justes...

La semaine précédente, le FC Licebroque avait perdu 1-0 sur le terrain face au RC Lancequine. Un superbe match pendant lequel mon équipe favorite avait touché trois fois les montants. Un but avait été annulé pour le FC Licebroque, alors que le penalty transformé par les adversaires était douteux... j'avais parié sur un 3-0 final pour le FC Licebroque (je n'étais pas tombé très loin : les ordinateurs de la ligue avaient finalement tranché et décidé un 3-1). Cela mettait parfaitement en évidence le manque de logique d'un match dans sa phase strictement sportive.

Comment, à l'époque de Grand-père les gens avaient-ils pu parier sur des évènements aussi aléatoires ? Les erreurs d'arbitrage, les blessures... tout cela ne pouvait pas être pris en compte dans l'ancien -ou devrais-je dire archaïque- système. Alors que désormais seule l'observation comptait pour gagner au loto sportif... la chance jouait très peu.

1Comité d'Arbitrage Vidéo-Informatique. Cette instance a pour rôle de visionner les matches et d'en analyser le contenu grâce à des logiciels spéciaux pour rectifier les injustices du jeu. La débauche d'énergie, les erreurs d'appréciation des arbitres, mais également l'attitude des protagonistes sont pris en compte pour un ré-évaluation du résultat, qui n'est enterriné qu'après son étude par le CAVI.