vendredi 26 février 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 11

Un bond en avant n’est pas strictement équivalent à un triple sot

Pour tout dire, je n’ai pas envie de gamberger. J’ai même l’intention inverse ! Tu comprends, dans mes aventures, il m’arrive parfois de me retrouver traqué par 36 malfrats armés jusqu’aux dents, en n’ayant pour équipement qu’un cure-dent, un préservatif périmé et cinq kleenex, dont deux usagés. Alors, je survis. Et mon corps agit tout seul pour se sauver, comme un grand ! Je saute au dessus des mines, j’évite les bastos, je castagne des mastards, je tronche des nénettes, je soigne mes blessures, je surmonte la douleur, j’en inflige à d’autres, je pense à Maman.

A part pour cette dernière action, en quoi est-il nécessaire de réfléchir quand on fait tout cela ? L’ensemble est fatiguant pour le corps, certes ! mais reposant pour l’esprit car la viande s'auto-gère.

Dans la présente enquête, je n’ai pas encore donné de ma personne. Pas le moindre coup de feu (ni un coup de dard !). A ce stade là, c’est assez (cul) rare. Mais j’ai subi les évènements, et ce n’est pas mieux. Trimballé à droite, à gauche, au centre, ailleurs, me contentant de ramasser les cadavres et les points d’interrogation. Un vrai filon ! Les spécialistes, habituellement, ne donne jamais leurs coins, pas vrai ? Moi je te livre sur un plateau (en forme de book) une vraie mine d’énigmes, de quoi en distribuer à tous tes amis ! Et compter les mortibus sans rien entraver, tu ne devineras jamais à quel point ça use.

Mon cervelet fume, actuellement, il faut le refroidir d’urgence pour éviter la surchauffe. Macabocheabesoind’espace[1]. Pour démultiplier la vitesse de mes gamberges ultérieures, pour fluidifier et clarifier les précédentes, il me faut faire tout autre chose. Jaffer ? Lichetrogner ? Limer ? Pioncer ? L’Isara n’est pas loin du Ninkasi Kao, le rade où toute cette histoire a indirectement commencé. On peut y picoler, y commander un sandwich, y rencontrer une gerce. Banco pour le Ninkasi ! J'y file.

Le hasard, c’est quelque chose, tout de même ! Il faut savoir le reconnaître. Alors que je m’apprête à traverser le boulevard Jean Jaurès, dernière artère me séparant d’une bonne binouze, une voiture s’arrête devant mon pif. Qui la conduit ? Si je te dis Marie-Emeline, tu ouvriras une bouche ronde comme ton anus. Si je te parle d’une rouquine sexy, pas mal moulée, poitrine pas déraisonnable mais ferme, alors tu ne verras toujours pas de qui il s’agit, mais ton tout petit chibron s’agitera à ta place. Je suis donc obligé de te rappeler que c’est précisément cette demoiselle que j’ai rencontré lors de mon premier passage au Ninkasi Kao.

- Vous cherchez quelque chose ? demande-t-elle avec son sourire testeur d’élasticité de slip.
- Mais… oui, chère Marie-Emeline : vous ! tac-au-taqué-je avec mon sourire testeur d’imperméabilité pour culottes friponnes. Depuis deux ans, j’ère dans ce quartier à votre recherche, au comble du désespoir !
- Vous, alors ! pouffe-t-elle.
- Moi alors ! confirmé-je. Ce n’est pas très chouette de m’avoir laissé quimper tel une vieille paire de chaussettes superfétatoires[2], dites !
- Quimper, quimper ! riposte la jeunette. Vous êtes Breton ou quoi ? Allez, montez donc, je vous dépose ! Pour me faire pardonner…

Elle a le chic, cette môme, franchement. Au moment de sa dernière tirade, mon bénouze en subit une (de tirade) sacrément carabinée, Calabity Jane peut en témoigner ! Et je remercie secrètement la machine qui a conçu mon grimpant d’en avoir solidement arrimé le bouton au reste, car vu la pression que subit mon falzar, un défaut de qualité aurait pu avoir comme conséquence un catapultage express du suce-dit bouton en plein de l’œil salingue de cette chère Marie-Emeline.

Qu’est-ce que t’en dis ? Qu’est-ce que tend, dis ! Je renonce à la becquetance et à l’écluse pour rejoindre la miss ? Le temps de me poser la question, je suis déjà assis dans la chouette auto. Il s’agit d’une Austin Mini première génération. L’étonnant est que, malgré son gabarit minimaliste, cette guinde est relativement spacieuse à l’intérieur. Je me fais d’ailleurs exactement la même réflexion en reluquant la jupe de Marie-Emeline, qui aurait tout juste assez d’étoffe pour constituer une chaussette pour ta petite nièce de six mois.

- Bien installé, monsieur le commissaire ?
- Ah, les présentations se sont faites d’elles-mêmes ? constaté-je.
- C’est mon copain Eloi qui m’a parlé de vous, justement la fois où je vous ai… euh… disons… enfin, vous savez, comme il est finalement arrivé… je ne pouvais pas… vous savez ce que c’est…
- Bien sûr que je le sais, belle enfant, puisque le rôle du type qui souffle les beautés sous le pif des autres, c’est celui pour lequel j’ai été primé 7 fois d’affilée -série en cours- aux Biroute awards.
- Ah ! soulage-t-elle. Bon. Où est-ce que je vous pose ?
- Au septième ciel ! suggéré-je en jouant à papier-feuille-ciseaux avec sa poitrine (partie gagnée, puisqu’elle oppose une « pierre » bien ronde à ma « feuille » baladeuse).

Ce geste est le top départ d’une frénésie que rien ne freine (ésie), pas même le gentil chat qui traverse la rue à cette instant (miaou… paf ! ce qui est très proche de la partie de minou-paf qui s’annonce).

- Oh oui, souffle Marie-Emeline, qu’on aurait du appeler Marie-Aime-Lime, en engageant son Austin Mini dans un parking obscure. Elle n’a déjà plus de corsage ni de soutif quand elle gare la guinde en épaille (entre épi et bataille, excusez-la, elle était occupée pendant la manœuvre). Puis elle hurle avec une excitation sans sueur et des points de suspension censeurs :
- Prends-moi vite ! Je veux… langoureusement ton… je veux sentir ta grosse… qui… dans mon… fous-moi donc ta… entre les… !

Ce dont je m’empresserais volontier ! Mais tu sais… Enfin non, tu ne sais pas, puisque tu es aussi vierge que la liste des promesses présidentielles tenues entre 1995 et 1997… mais je te certifie que forniquer dans un véhicule à permis B n’est pas une sinécure. Dans une Mini, le défi prend des allures de challenges sportifs ! Un minimum de savoir-faire s’impose pour réussir, déjà, à dénuder la partenaire. Le chrono indique 12 secondes 14 centièmes, record d’Europe égalé. L’essentiel de mes frusques étant également hors de combat, les contorsions peuvent commencer. Et la première consiste à chopper mon portable dans la poche de ma veste qui a atterri sous la banquette arrière.

Un sex-toy improvisé ? Que non point ! Les vrais pro n'ont pas besoin de ces gadgets. Non, simplement, le turlu a sonné. En même temps que l’heure de la fin du zizi-panpan ! C’est Eloi qui appelle. Il n’a décidément pas son pareil pour interrompre mes envolées avec Marie-Emeline.

- Gone, j’espère que tu es sérieusement en danger pour m’appeler là, maintenant ! je rouscaille.
- Pas en danger, commissaire, mais embusqué, ça oui, chuchote le gamin.
- Précision, por favor ?
- Paul Uduku, le pote qui m’a demandé de venir pour l’aider pour le cours d’Arnaques Appliquées : il m’a tendu un piège ! J’ai pu rentrer dans son immeuble en suivant une mémé, donc sans utiliser l’interphone. Arrivé à l'étage de son studio, je l’ai entendu parler au téléphone à travers la porte… Il parlait de Durêve à un autre type, et il a évoqué un rendez-vous à l’Isara, cette nuit, 5 heures du matin. Tu notes ? En étant propres, on coince au moins trois vilains d’un coup !

Allons bon ! Des heures et des heures à glander de macchabé en macchabé sans l’ombre d’une avancée, et maintenant que je prends une pause coquine et une pose méritée (à moins que ce ne soit l’inverse ?), PAN ! Un bond spectaculaire !

- Où t’es, gars ? je demande.
- Je te l’ai dit : embusqué dans la cage d’escalier de Paul. Il a dit à son interlocuteur que je serai chez lui d’ici peu, et qu’il ne fallait donc pas qu’il tarde.
- Casse-toi vite fait, gone, alors ! Le gars du téléphone est probablement pas un facteur vendeur d’almanach !
- Peux pas : ma twingo est complètement coincée par un camion qui décharge !
- Use tes nougats, grand, si tu veux pas te faire arquepincer par les filous ! je tonne.

Il est manche ou quoi ? Moi, en tout cas j’emmanche mon futal jusqu’à mi-cuisse : ce qu’il y a au-dessus est pour le moment occupé pour un test de la capacité buccale –plutôt honorable– de Marie-Emeline qui, de toute évidence, ne s’offusque pas de ma goujaterie. Elle a d’ailleurs fort à faire pour maintenir concernée (et pas par un con cernée, hélas !) la partie de moi-même qui l’intéresse le plus.

- Ecoute, me dit le Gone, si je ne me rends pas chez lui, Paul va tiquer ! Et alors peut-être annuler le rendez-vous à l’Isara ! On se retrouverait Sébastien Grosjean comme devant… en restant ici, je peux au moins essayer de suivre les opérations adverses…
- Bah Eloi, qu’est-ce que tu fous dans le noir ?

Voilà une voix que je n’ai jamais entendue. Facile de mettre un nom dessus cependant : le dénommé Paul Uduku vient d’entrer dans la danse.
- Marie-Emeline, imploré-je, arrête donc ton opération de sars-nettoyage : tout est propre !
- Alors quoi ? s’indigne la môme. On arrête tout ? Si les hommes commencent à interrompre les coïts avant que les préliminaires ne soient entamés, où va-t-on ?
- Chez Paul Uduku ! je réponds. Tu connais ?
- Paul, je l’appelle personnellement « Mou du gland », commente la rouquine mignonne. Oui, je connais, il a bite[3] vers la station de métro Garibaldi.
- Go !
- Hé bin vous alors… murmure-t-elle en cherchant son string-dentelle sous mon siège.
- Pas le temps de se rhabiller, bon sang ! Roule !
- Hé bin vous alors !

La môme remet le contact. Détail amusant, j’ai oublié de lui enlever ses bottines. Cette nana au volant à loilpé sauf les pieds, ça a quelque chose d’un peu cocasse, tu dois le reconnaître, même toi qui as lu l’intégrale de mon œuvre et qui en a donc vu d’autres ! Je colle à nouveau mon esgourde à mon téléphone :
- …non, non, Paul, j’avais juste oublié quelque chose dans ma voiture, je te rejoins dans une minute, affirme Eloi, que j’entends mal, car il a probablement glissé son portable dans la poche de son blazer.
- Qu’as-tu oublié ? demande Uduku.
- J’avais quelques Kro dans le coffre pour rendre les révisions plus agréables…
- C’est cool mais j’ai un tas de bières au frais, inutile de redescendre.

Le gone tente bien de gagner du temps, de ne pas se laisser entrainer dans le piège de son « pote », mais il ne va pas pouvoir jouer ce jeu trop longtemps sans paraître suspect.
- Y aurait moyen de se magner le fion ? je demande à Marie-Emeline.
- Hé, ça va aller les amabilités, oui ? elle riposte. Je pourrais bien te foutre dehors, flic ou pas, t’es dans ma caisse ici !

Seigneur ! La voilà fâchée. Une seule chose à faire : la caresser dans le sens du poil de minou. Je lui colle un doigt dans la moniche.
- Je te promets que tu auras pris ton maxi-fade à l’arrivée si tu déhottes plus vite que ça !

Marrant comme ce simple geste la fait pousser sur l’accélérateur !
- Combien de temps jusqu’à Garibaldi ? je demande.
- Je… oh, commissaire… je… oui ! Oui ! Cinq… cinq minutes…

Je me rebranche sur le canal Eloi :
- Bon, qu’est-ce qu’il y a, demande Uduku, impatient. Tu veux plus m’aider ou quoi ?
- Mais non, ce n’est pas ça, se défend Eloi. Je veux juste…

Court silence. Pendant un instant, les clapoires sont fermés de l’autre côté de la ligne... une nouvelle voix se fait entendre :
- Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?
- Ah Joss, lance Paul Uduku, tu tombes à pic : il allait se barrer.
- Qu’est-ce que ça veut dire, ça, Paul ? demande Eloi alors qu’il comprend très certainement qu’il s’enfonce dans la mouise.
- Et bien ça veut dire que tu vas suivre sans attendre ton copain Paul, sinon je t’orne d’un trou supplémentaire, menace le nouvel arrivant.
- Voilà qui est aimable !

Je jette un œil sur le compteur de vitesse de la môme Marie-Emeline. Elle carbure déjà à 70 km/h en pleine agglomération sous l’effet de mon petit massage de froufrou. Mais si je veux arriver à temps pour empêcher les soucis au gone, je dois presser l’allure encore. Il n’y a plus qu’une solution : là où ma dextre fait gagner quelques km/h, ma menteuse peut faire péter les compteurs ! Je m’incline et commence donc à faire tourner sept fois ma langue dans ce qui n’a que les lèvres en commun avec ma bouche. La môme attaque à gémir, et je suis un instant plaqué contre elle sous l’effet de l’accélération brutale de l’auto.

Dis-moi, et sois honnête : c’est du jamais lu, cette situation, non ? En tout cas, c’est du jamais-écrit ! T’as déjà vu James Bond ou Tintin en train de brouter une bonne amie pour la faire appuyer sur le champignouf tout en écoutant par téléphone interposé un poteau se faire serrer par des voyous crapuleux ?

En tout cas, j’ai trouvé l’essence de Marie-Emeline, son carburant à elle, ce qui la fait avancer : la luxure. C’est qu’elle met la gomme, la petite. C’est fou, quand on y pense ! Des excitées pareilles, y en a pas moult... Je me demande comment ça turbine dans sa tête... Dans sa capsule céphalique, c’est phallique, j’ai l’impression !

Mais revenons à nos Motorola :
- Mon pauvre vieux, lance Paul d'un ton badin, te voilà dans une belle situation !
- A qui le dis-tu ? peste Eloi. Tu peux toujours courir pour le soutien en Arnaques Appliquées. On m’y reprendra, tiens, à rendre service !
- On t’y reprendra surtout pas à foutre ton tarin dans des zones où tu n’es pas le bienvenu, lâche la troisième voix, celle du dénommé Joss.
- C’est la merde ! ponctue Eloi. Qu’est-ce que vous allez faire de moi ?
- Ta gueule.

Dans l’Austin Mini, l’envolée finale n’est plus très loin. Je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour le môme Eloi. Une sorte d’instinct paternel, tu crois ? Ce jeune type qui me rappelle Toinet, ça me ferait mal au dargif qu’il se ramasse dans cette histoire. Et puis, merde : je me suis foutu de sa gueule quand il m’a déballée son histoire de sérial killer à l’Isara : maintenant, le minimum c’est de résoudre ce merdier, et qu’il soit là pour entériner l’exploit, nom de nom !

- Marie-Emeline, mon doux cœur, sommes-nous bientôt arrivés ?
- Rah me laisse pas me refroidir ! rouscaille la rousse caille. Deux minutes si tu reprends toute de suite, trois si tu lambines bêtement !

Je replonge illico dans la toison, reprenant mon improbable turf catalyseur d’allure automobile.
- Paul, plonge donc le nez de curieux de ton ami dans ce mouchoir, ça va le calmer un peu, annonce Joss dans mon oreille.
- Dans les films, pour faire taire le gentil, le méchant lui assène un coup de crosse dans la calebasse, fait remarquer Eloi avec un sang-froid que n’aurait pas eu Sancho. Vos méthodes manquent totalement de classe…

S’ensuit (sang suisse hanse huis sangsue y sans suif) un bruit de lutte assez bref, puis un silence saoul d’Ain (01). Le môme a respiré ce que j’imagine être du chloroforme, et il est désormais dans les vapes. Restent nos crapules :
- On va pas le tuer, non ? demande Paul Uduku.
- Non : le commissaire doit le savoir vivant pour nous refiler toutes les infos dont on a besoin. San-Antonio est un balèze, s’il se rend compte qu’on le roule, ça pourrait mal tourner pour nous. La vie de ton pote assurera sa docilité. Fouille-le !

Hop-hop-hop ! Je m’empresse de raccrocher. Faut surtout pas que ces rigolos sachent que j’ai tout entendu. Quand ils trouveront dans sa poche le portable d’Eloi (table des lois !), il ne doit pas indiquer connement « San-Antonio – en ligne ». Dans le genre ballot, ce serait le pompon, non ?

L’oreille et l’esprit libre, je peux désormais m’occuper avec un peu plus d’attention de la miss Nympho qui me conduit. Note que je pourrai tout arrêter : la séance de bouche à fouffe et la course contre la montre. Pardi ! Je sais maintenant qu’Eloi ne risque rien dans l’immédiat. Mais je suis gentleman et je tiens à être contractuellement inattaquable. Il faut donc, vu tous les risques qu’elle prend, que Marie-Aime-Pine prenne également du plaisir, puisque je m’y suis engagé (au sens propre comme au figuré) ! Un détail marrant : bien que rouquine, elle ne pue pas de la chaglatte ! Me demande pas pourquoi, mais niveau odeur, elle me fait plutôt penser à un bon muscadet.

[1] Comme cette phrase !
[2] Deux membres de l’académie française ont eu une attaque lisant « quimper » et « superfétatoire » dans la même phrase. Si les autres l’avaient également lu, ils auraient probablement subi le même sort.
[3] Une vraie excitée, cette Marie-Aime-Bite !

vendredi 19 février 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 9

Sous-terrain ≠ entre tes reins

- Alors je l’ai bien profond avec ma lubie des patronymes prénonymiques[1] ? demande Eloi au volant de sa twingo.
- Navré, r’éponge. Ça m’en a tout l’air. A moins que cette affaire soit encore plus compliquée qu’elle en a l’air, et que l’explosion de ce soir n’ait rien à voir avec le reste.

Le gone a l’air dubitatif. Il me demande, non pas en mariage, mais en substance :
- T’y crois, toi ? Une simple vengeance d’aide-labo frustré ?
- Honnêtement, non.
- Remarque, cette fois-ci y a eu trois victimes, plus un blessé, tente Eloi… une explosion c’est moins précis qu’un coup de ya sous la gorge. Peut-être qu’il y a eu maldonne ? Y avait pas un Xavier Bertand, un Thierry Henry, dans la salle ?
- Et non ! D'ailleurs, c’est justement le caractère aléatoire d’une explosion qui me laisse à penser que c’est bien Gigonnade qui était visé. Impossible de prévoir qui s’assied au premier rang avant le début d’un cours, pas vrai ? La seule certitude de Reliure, c’était que Gigonnade ferait fonctionner le moteur à explosions.
- Admettons. Alors je vais jeter ma belle liste de prénoms-doubles dans les prochaines gogues que j’aurais l’occasion de retapisser. Et en attendant ?
- En attendant, on travaille sur le peu d’indices qu’on a. Sur mon injonction express, Mathias doit être en train de se précipiter à l’Isara à l’heure actuelle. Je veux en savoir plus sur cette explosion et sur Jeannot Reliure. Je veux savoir si c’est lui qui a écrit la lettre dont je t’ai parlée.
- Et nous ? Qu’est-ce qu’on va foutre à Chiasseux ?

La question est posée à l’instant même où nous entrons dans cette petite ville de la banlieue Lyonnaise.
- On va chez Reliure.
- Ah ? s’étonne Eloi. Je croyais qu’on s’en tapait, de lui et des exécutants des meurtres ? On se concentre pas sur les commanditaires ?
- Si fait ! Mais Durêve est dans la nature, impossible de le cuisiner… nous savons d'ailleurs qu’il n’a pas pu commander l’explosion de Gigonnade. Reliure a donc eu affaire à quelqu’un d’autre ! Essayons de retrouver ce brave aide-labo.
- Et tu crois qu’il sera resté chez lui à nous attendre, peut-être ?
- J’ai donné son signalement aux matuches qui ont rappliqué à l’Isara après le teuf-teuf du labo de physique, mais en attendant que ça morde –si ça mord– nous n’avons aucune autre piste. Et puis, se faire capter chez lui au moment de fuir, Enkula l’a bien fait. Nous avons à faire à de petites frappes, gars, pas des grands pros. Reliure pourrait très bien croire que sa lettre ne sera trouvée qu'un peu plus tard. Comment pourrait-il deviner qu’il y avait un flic génial sur place au moment de l'explosion ? Tiens, arrête-toi là, il y a un plan de Chiasseux sur cet abris-bus.

A l’aide du plan et de l’adresse inscrite sur le courrier que j’ai prélevé sur le bureau de Reliure, nous retrouvons ce qui doit être la résidence de monsieur Jeannot Reliure (honnêtement, avec un nom pareil, c’est peut-être mieux qu’il n’ait pas été prix nobel). Une bicoque minuscule dans un jardin en friche qui ferait gerber Indiana Jones en personne. J’ouvre le portail en encourageant le jeunot à me suivre. Etonnant : il arrive à être sur mes talons sans me marcher sur les nougats !
- Hardi, gone !
- Encore heureux que je ne m’appelle pas Françoise ! spirituelise-t-il.

Autant te dire que je laisse le bas de mon fute dans les ronciers qui jalonne l’allée menant au pavillon. Mon ami le sésame joue à « ouvre-toi » avec la lourde, et nous entrons par une cuisine cradingue. Ça ressemble beaucoup au bureau de Reliure, ici : c’est foutraque à souhait. On y retrouve des câbles, des rouages, des appareils inchiables, chaque tiroir et chaque placard dégobille des tas de trucs en ferraille ou en toc.

- Reliure, c’était un autiste, dans son genre, commente Eloi. Jamais sorti de son placard, sauf pour ranger et déranger le matos pour les cours de Gigonnade. Bien le genre à n’avoir jamais touché une fouffe. Ce bordel chez lui, ça confirme.
- Et pourtant ! objecté-je. Mate ces photos que j’ai prise dons son burlingue, à l’Isara : y a constamment une mocheté à son côté.
- Sa sœur ? suggère Eloi en s’approchant pour reluquer.

Je regarde attentivement le cliché. La… comment dire ? Allez, disons la « femme » que Reliure tient par l’épaule a une belle moustache, et sa coiffure est la même sur la tête que sous les bras : touffue. Ce serait bien le genre de Béru, de par son calibre pachydermique. De son côté, Reliure est gaulé type crevette, imberbe. Je scrute les traits des deux personnages : non, pas d’air de famille.

- D’ailleurs, ajouté-je en entrant dans le salon (à moins qu’il ne s’agisse d’une décharge publique), regarde la photo sur la plage : il a la main dans le décolleté de la baleine. Pas très famille, comme pose.
- C’est sur la Côte, commente Eloi. Je crois me souvenir que Reliure est Niçois.
- Ô Niçois qui mal y pense ! ricané-je en désespérant toutefois de trouver quoi que ce soit dans ce foutoir.

A moins qu’on dise « ô Niçois qui malle y pense » ? J’aperçois justement une belle grande malle en osier étonnamment dégagée du chambard ambiant. Si elle est dégagée, c’est qu’on y a mis ou enlevé quelque chose récemment, non ? Et si ! Banco ! On y a mis, je vais te dire quoi, le cadavre de la grosse baleine des photos. Elle est mortibus, et en plus elle fouette un maximum, on dirait bien qu’elle a vomi son plat de spaghetti-choux-rouge-tripes de midi avant de clamser.

Un mort ne sait pas qu’il est mort : ce sont les autres qui s’en attristent ou s’en réjouissent. C’est pareil avec ceux qui puent, tout le monde le sent sauf eux (mais personne ne s’en réjouit). Dans le cas présent, j’ai la double penne (comme dirait une de mes amies porte-blindée) : je déplore une morte qui schlingue. Eloi n’a pas capté ma découverte, il est toujours dans la cuisine, sur une des photos piquées dans le bureau de Reliure.

- Marrant, dit Eloi, il y a exactement la même photo sur le frigo, mais les bibelots sur le mur ne sont pas placés pareil.
- Pardon ?
- Regarde celle-ci, insiste-t-il. Y a lui et sa bonne amie, devant la cheminée, sur les deux images. Mais derrière eux, au mur, y a tout un tas de trucs inutiles qui sont agencés différemment.

Je retapisse les deux clichés et constate qu’ils ont été pris dans le salon que je viens de quitter. En effet, une demi-douzaine d’objets orne le mur avec dégoût : une assiette par ci, une vierge Marie par là, tu mords ? Ce genre de trucs, placés sur des appliques murales. Ce qui est étonnant, c’est que les deux photos semblent avoir été prises au même moment. Se prendre en photo dans son salon, c’est tartignole. S’amuser à le faire deux fois le même jour en changeant l’arrière plan ne rime pas à grand-chose. Il doit y avoir un sens à ce micmac, comme dirait mon pote MacMick l’écossais.

- Suis moi au salon, gone, et munis-toi d’un pince nez, y a le cadavre de la grosse dans une malle.
- Tu dérailles ? s’écrit Eloi.
- Pas du tout, et heureusement : je déteste me foutre de la graisse sur les pognes. Arrive un peu !

Nous sommes dans le salon. Je sens qu’Eloi n’est pas très à l’aise avec le corps de médème à côté de lui, mais j’en ai classe. Les babioles, sur le mur, sont exactement dans le même ordre que sur l’une des photos. Une à une, je les change de place pour qu’elle forme le même motif que sur l’autre cliché, sans vraiment savoir à quoi ça rime (à part avec éméché, pêché et taché).

- De quoi est-elle morte ? demande Eloi, la voix mal assurée (il n’est pas encore passé à la Matmut).
- Poison, laconiqué-je en maniant les bibelots.
- Reliure, tu crois ? Ce soir, juste avant de se barrer sous les tropiques ?
- Pas possible ! La vomissure m’a l’air bien sèche. Cette lady est passée de vie à trépas plus tôt, ce matin peut-être.
- Ouais, bon, ça n’empêche que c’est sûrement Reliure qui a fait le ménage, non ? On devrait quand même appeler les roussins, tu crois pas ?
- Et moi, je suis quoi ? je lance en échangeant de place une figurine moche représentant une tortue avec une minuscule horloge.

Ayé, c’est fini ! J’ai l’air tarte. Sais-tu pourquoi ? Parce que rien ne se passe. Pourtant, tout est en ordre… « Clac ! ». Un déclic se fait entendre (disons plutôt un déclac). Soudainement, le fond de la cheminée se met à pivoter, ouvrant grand sur un boyau plongeant dans le sol et équipé d’une échelle.

- C’est du beau boulot, je commente. Les bibelots que j’ai trafiqués devaient faire le même poids à quelques grammes près. Placés aux bons endroits, ils créent un contact qui permet à la trappe de s’ouvrir, ou de se fermer. Et les photos servent d’antisèches… Tu me suis ?
- Bin oui, tant qu'à faire...

J’entame la descente en plongeant dans l'obscurité (à défaut de plonger dans le stupre, comme disait Brassens). En quelques échelons, je touche le sol. Il fait noir, ici, dis-donc. Je sors ma boite d’alloufs. Les allumettes, en les grattant, tu les allumes. La même recette n’a pas les mêmes effets sur une gerce, hélas ! La petite flamme me permet de trouver un interrupteur que j’enclenche. Nous sommes dans un joli sous-sol aménagé. C’est plus propre, plus confortable qu’en haut : tu trouves deux canapés, un frigo, une table à manger entourée de chaises, un tapis, et, au fond dans une alcôve, un lit double moelleux, aux draps roses, avec quelques accessoires types fouet et menottes.

- Hé bin ! s’exclame Eloi depuis le cinquième échelon. J’aurais jamais cru que ce type pâlichon qui préparait les TP de physique pouvait avoir une double vie ! Tu crois qu’il fait partie d’une organisation secrète ?
- Je ne pense pas. Reliure s’est construit un joli petit cocon pour forniquer tranquillement avec miss Bourrelet, rectifié-je. Un refuge pour oublier les cons qui le brident à l’Isara, pour avoir un aspect un peu secret dans sa petite vie de peigne-cul. Mais je ne pense pas que cette pièce secrète ait un quelconque rapport avec notre affaire.
- Tu as peut-être raison… un baisodrome sous-terrain, manière d’être assez excité pour grimper bobonne… hé ! Là !

Le gone montre quelque chose à mes pieds que je n’avais pas remarqué en descendant à cause de l’obscurité, et pas regardé une fois la lumière faite, car on regarde rarement ses pieds quand on découvre une pièce. Qu’est-ce que c’est ? Tu es trop perspicace ! Je renonce donc à te dire qu’il s’agit du corps de Jeannot Reliure. Sans vie, bien sûr. En revanche, je suis bien obligé de te dire qu’il a, comme sa bonne amie, une flaque de gerbe (bien plus fraîche, cependant) sur le thorax.

Toi, bête à manger du foin, ou pire ! du saucisson industriel, je te sais susceptible de te perdre en forêt. Moi, au niveau supérieur, je me perds en conjectures.

[1] Quel mot superbe ! Je regrette de ne pas l’avoir inventé moi-même. Le commissaire S-A crée des mots avec bravitude. Signé Ségolène Royale.

mercredi 17 février 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 8

Plein de mystères valent plus qu’une seule Miss France

- Oui Patron ? demande Mathias, car c’est bien de lui dont il s’agit, qui voudrais-tu que ce soit !
- Quoi de neuf à la morgue, Rouillé ?
- L’expression me parait mal choisie ! remarque le Rouque. Enfin quoi qu’il en soit, j’ai inspecté les deux morts comme vous l’aviez demandé. Du travail de pro ! Et ça m’étonnerait bien que le polonais dont je vous ai faxé le casier y soit pour quelque chose. C’est bien trop fignolé pour un maniaque de la gâchette comme lui.
- D’autres remarques ? je lui demande, bien qu’il ne s’appelle pas Erich Maria.
- Oui, deux. D'une, j’ai remarqué de petites traces de brulure sur les mimines de Pierre Charles. Ça ressemble vaguement à un début d’« interrogatoire forcé » qui n’aurait pas été poussé bien loin, alors que dans le sang de la demoiselle, j’ai relevé des traces de sédatifs. De deux, le surineur est droitier, j’en suis sûr, alors qu’il semble bien que l’encordeur, lui, soit gaucher. Je conclus que les meurtriers sont à distinguer, la méthode étant bien différente à chaque fois -mégots puis corde, sédatif puis lame.

C'est un indice qui en vaut dix !
- Super boulot, Mathias. Je te confie une nouvelle tâche : file à l’Isara et inspecte, non pas les trois cadavres qui s’y trouvent, mais les vestiges du moteur à explosions de la salle de physique. Rencarde-moi sur le type de bombe avec lequel on l’a piégé, tu veux ?
- Ce sera fait.
- Ah ! Et j'oubliais : je te laisse ici quelques papelards : je voudrais que tu me compares plusieurs écritures.
- Banco, Patron, j’arrive.

Ce cher Mathias ! Des types comme lui, tu leur files une goutte de pisse et ils te trouvent un crime, son auteur, sa victime, son mobile, son alibi et les 12 manières l’amener à avouer ! Coup de Grelot suivant…

- Allo ? interroge, comme bien d’autres en ces circonstances, l’organe du négro spirituel.
- C’est ta carrière qui va y finir, à l’eau, si tu ne me dis pas immédiatement comment les choses ont avancé à Paname !
- Sana ?
- Lui-même. Et impatient de t’entendre, bronzé. T’étais pas censé me tenir au jus ?
- J’allais justement te juter !
- Me mettre au parfum ?
- J’allais justement te parfumer !
- Me tenir au courant ?
- J’allais justement t’électrocuter !
- M’affranchir ?
- Pas la peine, tu es déjà timbré !
- Trêve de calembours douteux, Noirpiot. Au rapport ! Tu ne vas quand même pas oser m’affirmer que rien n’a évolué de ton côté ?
- Non, non, y a du neuf.
- Alors annonce !
- Comme je te l’ai dit tout à l’heure, nous avons très vite retrouvé la trace de tes deux suspects. La présence d’Enkula en France était connue, et nous avons, dans les fichiers de la Rousse, l’adresse d’une de ses planques. Une équipe s’y est rendue sans trop d’espoir, mais contre toute attente, ce branque était encore là. Après un épisode version courte de Fort Alamo, il s’est rendu.
- Bon, ça ! Et Yvan Durêve ?
- Le barbu est plus malin : il a été repéré par hasard par une patrouille qui l’a pris en filature en attendant du renfort. Il a sans doute grillé la manœuvre : il s’est dirigé vers Chatelet-Les Halles, la station de métro/RER la plus inchiable de Paname, où il s’est volatilisé. Les roussins qui l’avaient pris en chasse n’ont pas deviné tout de suite qu’ils avaient été gaulés : ils ont fait arrêter le trafic ferroviaire et fait bloquer toutes les issues le plus discrètement possible. Mais Durêve avait sans doute mis les bouts depuis longtemps.

Dans ma salle de classe de l’Isara, je sors mon calepin magique où je griffonne rapido un schéma, tout en interrogeant :
- A quelle heure Durêve a-t-il été vu pour la dernière fois avec certitude ?
- Disons un peu avant 16 heures.
- Ok. Je dirai même plus, Négus : bilb’ok, j’ok, r’ok, kara’ok ! Tu t’es chargé d’interroger le Polak ?
- C’est en cours ! affirme le tout noir. J’ai fait rapatrier Enkula jusqu’à chez moi. Ramadé, malgré son état de fatigue, a concocté un cocktail sénégalais qu’on appelle chez nous l’Avoutou’oujpett. Un truc très odorant qui vaut les meilleurs sérums de vérité occidentaux. Capote Trouée l’interroge actuellement dans la salle de bain.

Capote Trouée est l’un des marmots de Jérémie. Je sais qu’un esprit obtus comme le tien conçoit mal qu’un commissaire de police laisse le fils d’un de ses subordonnés interroger un suspect au moyen d’un cocktail pas très net. Mais j’ai toute confiance : Capote Trouée est un débrouillard, et les tambouilles et manipulations sénégalaise des Blanc m’ont suffisamment de fois tiré de la mouscaille pour que je m’en défie.
- Ah, annonce Jéjé, le voici justement avec le rapport, tu veux l’entendre ?
- Capote Trouée a rédigé un rapport ? interrogeavecétonnement-je.
- Ce petit con s’est mis en tête de rentrer dans la volaille ! lâche le painted-in-black avec agacement. Je lui ai répété cent fois qu’on ne rencontre personne de fréquentable dans ce milieu, mais cette tête de bois ne veut rien entendre.
- Fais péter le rapport, quoi qu’il en soit !

Au bout du fil, j’entends Monsieur Blanc se saisir d’une feuille de papier. Un court silence s’ensuit, pendant lequel j’imagine l’ami Ricoré survoler la prose de son fiston. Je lui rappelle que j’attends :
- Alors ?
- Alors j’ai peur que tu n’ailles pas bien loin avec ça.
- Le Polak ne sait rien ?
- Non. Il avoue le meurtre, mais il affirme n’avoir eu de contact avec personne d’autre que Durêve. On lui a promis 9 250 euros pour refroidir un gazier qu’il ne connaissait ni des lèvres ni des dents… Je te signale que dans « deux cent cinquante », « cent » ne prend pas de « s ».
- Et dans « amour violent » il n’y a pas de tendre « s », et alors ? m’étonné-je.
-‘scuse-moi Antoine je parlais à Capote Trouée.
- Plus tard, la leçon, je ronchonne. Quoi d’autre, dans ce rapport ?

Bruits de paperasse qu’on brasse, puis nouvelle réplique de mon Sénégalais favori :
- C’est Durêve qui est venu le chercher chez lui aujourd’hui, il l’a emmené dans une station de métro, lui a désigné un jeune type, et lui a défouraillé. Ils sont repassés à Duroc un peu plus tard pour vérifier que la cible était bien toujours par terre. Alors un flic leur a collé au cul –je te signale que ce genre d’expression n’est pas à placer dans un rapport de police !
- Abrège ! Tu auras tout le temps d’apprendre à ton fils comment rédiger un rapport de premier ordre ! Des bombes explosent, ici, et j’ai besoin d’infos.
- Bon, bon. Ils ont décidé de buter le flic : il y a eu un cache-cache express dans le métro, mais le flic leur a échappé – c’est toi, non, d’ailleurs, ce poulaga ? Finalement Durêve lui a filé ses pourliches avant de se barrer.
- Sans dire à Enkula de jouer cassos de Paname en quatrième vitesse ?
- Hé non ! confirme Jéjé. C’est le Polak qui a pris seul l’initiative de décamper. Il préparait ses bagages quand la volaille a donné l’assaut.

Je réfléchis un instant.
- Tu veux mon avis, all black ? Un amateur payé 9 250 €, qu’on ne prend même pas la peine d’escamper en partant, ne doit pas représenter une grosse menace pour ses employeurs. Il sait ballepeau, et me voilà de nouveau face-à-fesse avec une impasse !
- Enkula affirme néanmoins qu’il ignore tout des meurtres de Cécile Baptiste et Pierre Charles, et surtout qu’il avait promis d’inventer une histoire bidon de règlement de compte au cas où la police le coincerait. Cela dans le but, j’imagine, de dédouaner le barbu, Durêve.
- S’il ne l’a pas fait, ça prouve que la mixture de Ramadé est efficace !
- Oui, mais ça prouve surtout que… mais ? Capote, viens par ici ! Qu’est-ce que c’est que cette série de chiffres, en bas du rapport ? Regarde-moi dans les yeux ? Je t’ai pourtant interdit de te servir de l’Avoutou’oujpett pour obtenir des numéros de carte de crédit ! En plus, tu manques de jugeotte : quitte à braquer un malfrat, autant pigeonner un qui est plein aux as. Celui-ci se fait payer une misère, et en liquide ! Si tu veux de la monnaie, prend un ou deux bifton dans ses poches et bidonne les chiffres du rapport. Comment ça c’est déjà fait ? T’entends ça Antoine ? C’est chié, non ?

Je raccroche.

Il y a un certain nombre de choses que je n’aime pas, dans la vie. Par exemple, écouter un politicard, tiens. Ça, c’est chiant, pas vrai ? Je parie un pot-à-eau contre un pot de vin que toi aussi, ça t’endort, mais que tu fais semblant d’en regarder un de temps en temps afin de passer pour un intellectuel, et une fois que ta femme est partie se coucher, tu zappes sur le foot ? Et bien moi je ne regarde jamais, c’est bien trop barbant, mais également assez rasoir (paradoxe amusant !). Pourtant, je serai prêt à subir l’intégrale des discours de Balladur (quel tonus, cet Edouard), là, maintenant, si seulement ça pouvait rendre mon enquête un peu plus lisible. Je jette un coup d’œil au schéma dont je te parlais il y a peu. Il prend la forme d’une ligne chronologique approximative de ce type.

dans la matinée : Durêve contacte Fabien Henry

13h pétante : meurtre à Duroc par Enkula

13h30 ou un peu après : je suis sur place

15h : je prends le TGV


16h environ : Durêve disparait à Chatelet

17h : j’arrive à Lyon
17h30 : je perds du temps chez Deboeuf

18h environ : Jeannot Reliure installe la bombe
18h30 bien tassé : j’arrive à l’Isara
19h : explosion

(C’est rudement pratique, les stylos à quatre couleurs, tu n’es pas d’accord ?)

Ce que je tire actuellement, cher ami lecteur, ce n’est pas miss France. Heureusement, d’ailleurs ! Les Miss, toi, tu crois bêtement que ça sert à élire la plus chouette fille de France. D’entrée, le principe est bidon comme mon pote Jerry Can, entre parenthèses ! Ce qui est beau chez les gerces, c’est leur diversité. Un coup à brouter des poils blondinets, un coup à contempler une peau bronzée ! Un coup à profiter la maniabilité d’une toute petite, un coup à savourer les caresses d’une grande ! Mais là, nib ! Le jour de Miss France, tu vois 100 fois la même fille ! Même taille, mêmes mensurations, même sale gueule. Tu parles d’un éventail décevant (dès ce vent) ! A ce compte là, pas la peine d’aller en chercher une dans le Doubs et une en Haute-Marne. Et puis, franchement : tu les trouves pas moches, toi, ces poupées maquillées à la truelle, peu mais mal fringuées, crispées des zygomatiques ? Tu ne trouves pas ça tarte, cette dégaine qu’on leur donne ? Tu les trouves pas cons comme leur con, ces boudins, par-dessus le marché ? Une de mes amies, pourtant moche comme un pou, a été de refusée au concours des Miss. Motif ? QI trop élevé ! Alors non merci, très peu pour moi. Des michetons, j’en ai eu un peu plus que ma part : aucune ne ressemblait à Miss France, et je t’affirme que ce n’est pas dommage.

Bon. Je disais que je ne tire pas Miss France actuellement, car je tire plutôt les enseignements de ce schéma. Et voici ce que je déduis : même en coupant au plus court, Yvan Durêve n’a pas pu quitter Paris, interroger un nouveau contact (Gigonnade ? Pointe ? Belleride ?) et donner le feu vert à Jeannot Reliure pour le moteur à explosion une fois l’entretien terminé. Quelqu’un d’autre l’a-t-il fait à sa place ? De la même bande ? L’initiative de Reliure est-elle liée au reste ?

Oui, je le pense. Reliure a maquillé son geste en le justifiant par la rancœur, mais s’il a tout fait péter, c’est qu’il avait l’assurance d’une retraite sûre. Sa vie d’assistant-labo ne comprenait certainement aucune échappatoire fiable : quelqu’un est venu lui proposer cette échappatoire… c’est la perspective d’une nouvelle vie qui a convaincu Jeannot. De la même manière que quelques 10 000 € ont convaincu Enkula Jacek de ressortir l’artillerie.

J’ai à faire à une bande pas forcément très vaste, mais qui sous-traite. Mathias affirme que les deux premiers assassins sont à distinguer : pas la même spécialité, pas le même mode de fonctionnement. Celui qui a pendu Pierre Charles et celui qui a suriné Cécile Baptiste sont probablement deux malfrats de bas étage qui ne savent rien, tout comme Enkula. Pour stopper la tuerie, je dois oublier ces truands collatéraux et m’attaquer à la direction du gang. De ce gang, je ne connais qu’une tête : Durêve. Mais où est-il, celui-là ?

Ma parole, j’ai passé ce bouquin au pèse-mystère : c’est du lourd !

lundi 15 février 2010

San-Antonio à l'Isara : chapitre 7

Je me rends compte que je n'ai pas mis de C majuscule à "chapitre", comme je le fais normalement. Mais je me suis dit que si je ne le disais pas , personne ne le remarquerait.

Où l’on pourrait confondre « physique cantique » et « marche funèbre »

Prendre trop de liberté, c’est en priver les autres. En m’autorisant des allers-retours dans la chronologie, je t’enfonce dans une perplexité qui te perd, te plexe, et te ité, me trompe-je ? Il est donc nécessaire de faire un point : •

Mouais. Bon, non. Cette petite fantaisie rédactionnelle ayant bien du mal à m’amuser moi-même, je vais rapidement passer outre pour te faire un topo de la situation actuelle : je suis à l’Isara, du moins dans la partie du bâtiment qui n’a pas été soufflée par l’explosion qui achevait le chapitre 6, si tu te rappelles bien.

Cette explosion, tu vas le découvrir, n’a pas achevé qu’un chapitre ! Mais pour l’heure, contente toi de me contempler en train de me lever soudainement dans le but de me précipiter vers la porte de la salle d’étude où nous taffions, Eloi et myself.
- Reste ici, gone, intimed’untonsansréplique-je.
- C’est ça, réplique pourtant Eloi, pour roussir gentiment avec le reste du bâtiment ?
- Pile-poil, gars !
- T’es louf ! s’exclame le gone.
- Réfléchis, gamin : un gars a probablement provoqué cette explosion, t’es d’accord ? Et ce gars, je le connais bien pour une raison simple : c’est moi qui écris ce bouquin (un bouquin qui fait péter le suspensomètre, avoue-le !), et donc moi qui invente ses personnages. J’ai bien peur que notre manipulateur d’explosif n’ait aucun projet positifs pour nous deux. Moi, mes lecteurs le savent : je suis rôdé, j’ai une assurance béton. Toi, pour le danger, tu n’es pas couvert tout-risque ! Donc, par sécu, tu resteras ici pendant que je me précipite sur les lieux du sinistre (que j’imagine sinistre) !

Pour avoir l’air ferme, je te donne un conseil : munis-toi d’un tracteur, d’une vache, d’un cochon et d’une parcelle de maïs. Moi, à part mon côté volaille, je n’ai rien de tout ça sous la main, je me contente donc d’un claquement de porte tonique pour convaincre le gamin de rester là où il est. L’auteur de l’attentat, s’il ne s’est pas déjà esbigné, doit avoir mis la fuite (de gaz probablement, vu le souffle provoqué !) en tête de ses priorités, je ne conçois pas qu’il prenne le temps d’ouvrir toutes les portes du bâtiment. Le môme est donc en relative sécurité.

Je file vers le premier escalier venu qui ne tarde pas à être un escalier parti. Je suis à l’étage de l’explosion, et des dizaines d’étudiants courent un peu partout et dans tous les sens, cherchant à fuir. Je fends cette bordélique foule avec énergie et me fraye un passage jusqu’au laboratoire de physique. Je ne t’ai pas dit que l’explosion s’était produite dans le laboratoire de physique ? Sans doute parce que je le découvre tout juste : c’est écrit sur la porte éventrée que je viens de franchir.

Le premier bilan s’avère plutôt négatif ! Une bouillie informe est répandue sur l’estrade de la salle… Je pose plusieurs hypothèses, si tu le permets ? Merci, tu es bien aimable. Hypothèse 1 : cette bouillie, avant l’explosion, devait avoir deux bras, deux jambes, une tête. Hypothèse 2 : assemblés, ces divers éléments constituaient un professeur. Hypothèse 3 : je n’apprendrai rien dans l’immédiat si je n’oriente pas mes investigations dans une autre direction.

Dans la salle, restent trois individus à forme encore humaine, au premier rang. Trois mecs ! Sûrement des gars arrivés en retard : tu le sais comme moi, les garçons se placent toujours au fond quand ils le peuvent : de là, les dargeots sont plus facile à mater et les mots-croisés plus faciles à remplir. Le premier étudiant est cloué à sa chaise par une bizarre pièce de métal qui lui transperce le bide.

- Comment tu t’appelles, toi ? lui demandé-je, car tu vois, je ne perds pas mon enquête de vue ! et enfin quoi ? le type va claquer sous peu, je vais quand même pas lui demander « comment ça va » ! Ce serait une question par trop rhétorique !
- Benjamin Pointe, glaviote-t-il en même temps qu’un filet de bave plus rouge qu'un steak à la sauce Staline.
- C’est le prof qui a dégusté, là-bas, sur l’estrade ?
- Affirmatif, suffoque le pauvre Pointe. Il a entamé sa démonstration sur le moteur à explosions et ça s’est mal passé. Il foire toutes ses manip’, ce con !
- Son blaze ?
- Jean-Noël Gigonnade. Dites, vous savez si une ambulance est en route ? Me concernant, ce serait pas du luxe…

Ce que tu ne sais pas sur Benjamin Pointe, ô lecteur, c’est que le premier mot qu’il a baragouiné étant bambin, ce n’était ni « maman », ni « papa », ni même « popo », mais « luxe ». L’originalité est d’autant plus grande que c’est également le dernier mot qu’il aura prononcé : Pointe vient de défunter à l’instant.

Je continue ma besogne auprès du second jeunot. Il a une pièce de métal identique à celle de Pointe à travers le sternum. Je devine à présent qu’il s’agit d’un piston du moteur à explosions.
- Oh, gars, quel est ton blaze ?
- Fleurk glorg ! crachote-il.
- Pardon ?
- Florent.
- Florent comment ?
- Belleride.

Tu me trouves un peu limite, non, de sonder ces agonisants sur leur patronyme. Mais je te le répète : faut parfois être pragmatique. Ce qui fait de moi un enquêteur hors-pair, c’est ma capacité à hiérarchiser les urgences, vois-tu ? Ces jeunes gars sont en train de mourir de toute façon, et ce n’est pas en leur fredonnant une berceuse que je les sauverai ou que j’avancerai dans ma gamberge !

Et en l’occurrence, je turbine à pleine caboche : cette explosion, j’en suis sûr, n’est pas une erreur de manip’ du professeur Gigonnade. Quelqu’un continue à faire du nettoyage dans l’effectif de l’Isara… Et je ne peux m’empêcher de penser à la concordance des doubles prénoms (même si je subodore que c’est une piste bancale), c'est plus fort que moi ! Et donc par extension plus fort que bien des gens ! Cette fois-ci, pourtant, ça ne colle pas. A moins que…

Je regarde le troisième étudiant demeuré en place après l’explosion. Qu’est-ce que tu en penses ? Ce serait peut-être bien d’aller au bout de la logique et de lui demander, à lui-aussi, quelques tuyaux sur son état civil, mmh ? Je jette un dernier regard sur Florent Belleride : il vient de caner, à son tour, un air de grande surprise définitivement imprimé sur son visage figé pour toujours
[1]. Il se savait mal en point, mais il ne pensait pas lâcher la rampe si vite, apparemment. Il s’est fait surprendre par la faucheuse, si bien qu’il ne saura jamais qu’il est décédé. Être mort, c’est comme être cocu, quelque part : tout le monde en est informé avant vous !

J’interroge (et rencontre) ce troisième type.
- Et toi, mec ? On t’appelle ?
- Dites, vous charriez ! il rouscaille. Vous croyez que c’est la bonne question ? Y a eu mort d’hommes, ici ! Vos interrogatoires sont déplacés, mon vieux.

Allons bon !
- Va pas falloir garder ce ton, je réplique. Je te signale que c’est moi qui écris ce book. Or, je te signale que j’ai pas encore rencardé mes lecteurs sur ta blessure. Si tu ne réponds pas, je te réserve le même sort qu’à Pointe et Belleride, vu ? Si t’es plus docile, tu resteras vivant.
- Et je pourrai me taper la plus chouette des nanas de ma promotion avant la fin de l’histoire ?

Lui, alors ! Bon, c’est pas vraiment le moment de pinailler.
- Accordé, conclus-je.
- Dans ces conditions…
- Maintenant accouche, syndicaliste en herbe : tu t’appelles comment ?

In petto, je me dis que si son nom devait être un prénom, alors Bernard Thibaut lui irait bien !
- Jean-jean.
- C’est quoi, Jean-Jean ? Nom ? Prénom ? L’un et l’autre ?
- C’est mon prénom ! Je m’appelle Jean-Jean Debazz.

Bon ! Aucun double prénom dans les victimes ou potentielles victimes de cet attentat ! Je ne sais pas si je dois bicher ou pas en apprenant ça. Ça élimine une piste, certes, mais une piste à laquelle je ne croyais pas à 100%, ni à Saint-Pourçain (Allier), d’ailleurs.
- Hé, lance Jean-jean. Puisque je serai sauvé, vous pourriez me dire pourquoi je me suis pas barré avec mes camarades ? A choisir, je ne serais pas resté ici, moi !
- Parce que tu es blessé au pied, nigaud ! Un vil vilebrequin t’as brisé plusieurs métatarses.
- Ah oui, tiens ! Zut ! Avec un plâtre, ça va pas être facile de sauter la plus chouette nana de ma promo !
- T’emballe pas, Debazz, j’ai d’autres questions, d’abord : d’où vient le moteur à explosions qui a servi pour la démonstration ?
- De l’ancienne BX du professeur Gigonnade. Il s’en sert chaque année pour les cours de thermodynamique.
- Ce moteur, où est-il remisé, normalement ? Qui l’a amené ici ? Et quand ?
- Il doit passer l’année dans le bureau de l’assistant de Gigonnade : Jeannot Reliure. C’est lui qui prépare le matos pour les manipulations. Il a du l’emmener ici juste avant le cours, vers les 18 heures, je suppose.

Ma montre n’est pas rancunière, tu sais : alors que je le lui donne jamais rien, elle n’a jamais rechigné à me donner l’heure ! Il est 19h02. Je regrette amèrement d’avoir perdu du temps à la criminelle en arrivant à Lyon. J’aurais du venir ici, direct ! Bon, ça n’aurait peut-être rien empêché, mais il est toujours valorisant de se dire que l’on aurait pu changer les choses par sa simple présence, tu ne crois pas ? J’interviewe Jean-Jean de plus belle :
- On le trouve où, ce Jeannot ?
- Son bureau donne sur la porte, là-bas au fond de la salle.
- Merci. Je tiens ma parole : tu sortiras vivant de ce merdier.
- Hé, n’oubliez pas l’autre promesse, hein !
- Ballepeau ! je ricane. Je dois déjà me consacrer à une enquête ardue, j’ai pas le temps de verser dans le bouquin type « fesse » pour post-adolescent excité.
- Vous êtes chié !
- Reste poli, Jean-Jean : je pourrai bien décider qu’une gangrène te tombe sur le panard !

Pas téméraire, le jeunot la boucle pendant que je me dirige vers le bureau de Jeannot Reliure. C’est en fait un cagibi minuscule et sans fenêtre, surencombré de manomètres, ampèremètres, voltmètre, kilomètres, contremètres, poussetoidelaquejemymètres et autres ustensiles de mesures physiques. Jeannot n’y est pas. Dans un coin de la pièce, un bureau minable large comme une feuille de papier-cul est coincé. J’y distingue un papelard laissée là en évidence, que je subtilise et je lis :

Bande de cons !

Ça surprend, avoue ! Tu t’attendais à ça, peut-être ? Non, hein ! Oublie vite les conventions, gars : t’es dans un San-Antonio, ici ! Je reprends :

Bande de cons,
Ah, vous m’avez bien pris pour une merde depuis le début. En me collant assistant de cet illuminé de Gigonnade (un job pour demeuré !), vous avez gâché mon potentiel de prix Nobel en puissance. Vengeance ! Je me barre, non sans avoir laissé un souvenir à Gigonnade. C’est une surprise. Vous ne me trouverez pas. Allez tous vous faire sodomiser !
Jeannot, qui vous emmerde.

Bon... Bon, bon, bon. J’ai pas l’impression d’avancer des masses, moi. Car enfin, zob ! Il n’y a toujours pas le moindre début de fil conducteur dans tout ce merdier ! La lettre de Jeannot constitue certes un mobile clair pour l’explosion du jour… mais elle ne justifie aucun des trois premiers meurtres.

Je garde la bafouille de Jeannot, me saisis d’autres papelards sur son burlingue ainsi que des deux ou trois photos punaisées au mur (on y voit à chaque fois un gonze moche avec une morue : sûrement Jeannot et sa dame, ça pourrait servir) et je décarre vite fait. Avant de rejoindre Eloi, je me trouve une petite salle de classe peinarde afin de tuber Mathias, pour lui enjoindre de rappliquer dard-dard, car je sais ne pas pouvoir compter sur les labos lyonnais de Deboeuf. Je veux également appeller Monsieur Blanc, qui suit pour moi l’actualité parisienne de cette affaire. Car enfin, les seules certitudes que j’ai, pour le moment, c’est que deux zigotos ont dessoudé Fabien Henry –dis N’a-qu’une-fesse– à Paris ce midi. Et ces zigotos étaient sur le point d’être capturés il y a maintenant deux plombes.

[1]
Cette phrase est un stéréotype littéraire comme il faut en inclure obligatoirement dans un roman, parait-il. En ce qui me concerne, je trouve ça moche, chiant, raté, merdique.

samedi 13 février 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 6bis

Ne pas confondre « Théâtre » et « T’es chaud comme une cheminée »

J’ai failli oublier, dans le chat-pitre précédent : y a un autre truc pas banal ! Quand il s’adressait à moi, Deboeuf se dédoublait ! Il y avait lui, dans son fauteuil, gueule de con-trarié. Et son double, virtuel, qui me traduisait ses dires en mode franc. On aurait dit une pièce de théâtre…

Acte sexuel, (ob) Scène Ité
Où il est révélé une information importante sur Jacek Enkula et Yvan Durêve (ce qui montre que jusqu’à preuve du contraire, JE décide quand je balance mes infos !)

Deboeuf : Je reçois à l’instant une note vous concernant, commissaire San-Antonio.
Son double (à moi) : Je vais quand même pas m’emmerder à te dire bonjour, raclure.
Moi (à Deboeuf) : Ah, oui ?
Deboeuf : Oui. J’apprends que vous avez reçu la charge de l’affaire-Isara.
Son double (à moi, se raclant la gorge) : D’ailleurs, si je pouvais te cracher dessus, ça serait pas mal.
Moi (à Deboeuf) : Effectivement.
Deboeuf : Et… hum ! Pourrais-je savoir pourquoi on vous a confié ce travail ?
Son double (à moi) : Le vieux croulant, là-haut à Paris, doit avoir craqué un câble pour te refiler ce job qui me revenait de droit.
Moi (à Deboeuf, gesticulant pour trouver une position confortable sur mon tanne-cul) : Il se trouve que j’ai personnellement été mêlé à cette affaire.
Deboeuf : Oui… j’ai cru comprendre que vous connaissiez vaguement un témoin de l’un des meurtres.
Son double (l’air mauvais) : Autrement dit, podzib ! Il s’agit d’un piston pur et simple ! Un arrangement scandaleux entre Parigots !
Moi (à Deboeuf) : Pourriez-vous dire à votre double de la mettre en veilleuse ? On ne s’entend plus !
Deboeuf : Pardon ?
Son double : Des clous ! Je reste, et si t’es pas content, tu te barres !
Moi : Fort bien, alors j’appelle le mien et nous serons quittes.

Arrive mon double.

Mon double : Salut les mecs ! Y a de la castagne, ici, alors ?
Son double : Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Qui c’est, lui ?
Mon double (à Son double) : Tout doux ! Moi, je suis là pour faire l’équilibre ! Si t’étais pas ici en train de faire le mariole, je serais resté relax à la maison. J’ai mieux à faire que clouer le bec à des drilles de ton acabit, figure-toi.
Moi (à Deboeuf) : Il est vrai que je connais un témoin du meurtre de la station Duroc. Mais il se trouve, monsieur le divisionnaire, que mon implication va un peu plus loin que cela. J’ai repéré, à Paris, deux individus plus que suspects, qui, l’un et l’autre, sont actuellement appréhendés par les forces de polices parisiennes.
Deboeuf (soudain pâle comme le cul d’un Inuit) : Ah ! J’ignorais.
Mon double (à Son Double) : Marrant comme ça a l’air de te la couper !
Moi : Je viens moi-même de l’apprendre, à la descente du TGV. J’en profite pour en informer mes lecteurs, à qui je ne l’avais pas dit. Si vous voulez savoir, j’avais commencé par les dispenser de notre échange, monsieur le divisionnaire, avant de leur livrer finalement en ce moment même.

Deboeuf se lève, se sert un verre à la fontaine à eau, le boit cul-sec, et se rassoit. Les trois autres le regardent avec circonspection[1].

Deboeuf (tendu, très emmerdé , souhaitant de toute évidence avoir tort, prêt, comme un con qu’il est, à voir cette affaire se prolonger dans le temps à mon détriment plutôt que d’espérer, tel un flic intègre, que les meurtres s’arrêtent et les coupables soient arrêtés… c’est qu’il est sacrément mauvais, ce type ![2]) : Vous seriez donc en passe de résoudre l’affaire…
Moi : Difficile de le dire dès à présent. Grâce aux signalements que j’ai fait diffuser, les suspects ont tous les deux les deux été repérés rapidement avant de pouvoir quitter Paris. L’un d’eux, le tueur présumé, s’est barricadé dans un immeuble, dans le 14ème. L’autre s’est réfugié dans la gare de RER de Chatelet, en pleine affluence à cette heure-ci. Le site est encerclé, les rames bloquées à quai. Dans un cas comme dans l’autre, c’est une question de temps.
Deboeuf (pensif) : Pensez-vous réellement que ces deux individus soient à l’origine de tous les meurtres ?
Son double : Oh, comme j’espère qu’ils vont s’échapper ! Pire ! J’aimerais mieux qu’ils soient attrapés mais qu’ils n’aient rien à voir avec l’affaire-Isara ! Ça te materait, ça, pas vrai, superflic ?
Mon double (à Son Double) : Ta gueule, toi ! Tu saoules, glandu ! Peuh, j’aime autant ne plus rien dire, tiens. Je te donne rendez-vous à la fin du bouquin ! T’auras l’air sacrément navet, je gage, quand l’affaire aura été résolue en un temps record !
Moi (à Mon double) : Tu m’étonnes ! (à Deboeuf) L’avenir le dira. En attendant, je souhaiterais disposer des éléments d’enquêtes collectés jusqu’ici, concernant les deux premiers meurtres.
Deboeuf (tellement faux-cul que je risque une attaque pour didascalie diffamatoire si j’écris « aimablement ») : Naturellement. Mon adjoint vous fera un topo. Et mes hommes, dans la mesure du possible, sont à votre disposition. Mais vous savez ce que c’est : nous avons tous beaucoup de travail…
Son double : Autant dire : va te faire mettre ! J’ai donné des consignes, personne ne t’aideras. Tu peux même t’attendre à une petite crasse ou deux si c’est possible !
Mon double (en sortant) : Ouais, bon, allez. Ciao les nullos, on se revoit quand l’affaire sera réglée !
Deboeuf : Excusez-moi maintenant, mais je suis terriblement débordé…
Son double (à Deboeuf) : Hé ! T’excuse pas ! On le déteste ce mec !
Moi (à Deboeuf) : J’arrive donc au bon moment pour vous délester ! Bonne fin d’après-midi, monsieur le divisionnaire.

Fin de la scène.

[1] Mais non, personne n’a touché à leur robinet intime ! File consulter ton Larousse, inculte !
[2] Record du monde de la didascalie battu ! Signé : Pierre Bellemare

lundi 8 février 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 6

« Le président à dix sous » n’est pas forcément équivalent à « Dissolution à 2 balles »

Physiquement, le divisionnaire Deboeuf a quelque chose de Jacques Chirac, figure-toi. La carrure, déjà. C’est une grande tige qui doit dépasser le mètre quatre-vingt-dix autant que je dépasse les bornes de l’académie française. Les mains formid’, très longues, prêtes à serrer d’autres mains par dizaines à la minute. Le sommet du crâne, c’est kiff également : ça ressemble à s’y méprendre à la paume d’une main (pas celle de Chirac, en revanche, sinon un grand poil viendrait l’ornementer à coup sûr !).

Enfin, l’air solennel, limite furax, que Chichi n’arborait qu’en de funestes circonstances. Tu te rappelles, les corses qui sifflaient la Marseillaise au stade de France ? Z’avaient mis Jacquot en renaud, les insulaires ! Bin là, Deboeuf c’est pareil, même bobine.

La diff avec Chirac, sur cette mouille, c’est que tu n’imagines pas facilement qu’elle puisse sourire. Deboeuf n’a rien d’un Chirac au salon de l’agriculture, par exemple (un comble vu son nom !), d’une séance de dédicaces de bouquins. Le dernier mouvement rieur des zygomatiques du divisionnaire datent d’un âge si canonique que la grosse Bertha elle-même ne doit pas s’en rappeler.

Du reste, je n’ai pas tardé à sentir que je l’emmouscaillais, le divisionnaire. Ça se voit à l’éclat de son œil, Deboeuf. Le fait que je sois bien meilleur flic que lui, et donc plus à même de résoudre l’affaire, Decheval, il s’en bat les steaks, Deboeuf ! Je lui suis envoyé dans les pattes, Deboeuf, et il a l’impression qu’on le met sous tutelle, qu’on ne lui fait pas confiance… Autrement dit, ma présence nuit à son prestige, Deroseau. En étant là, je ternis son image et je l’écorne, Deboeuf. S’il n’y avait que Deboeuf pour prendre les décisions, je retournerai à Paris, Deveau, derechef. Je ne suis pas sa muse, au Deboeuf, je ne l’inspire pas, contrairement à bien d’autres flics.

Car, tu l’auras noté, toi qui retiens chaque détail de mes aventures : pour beaucoup de poulagas, bosser avec moi : c’est bonnart ! Les feignasses profitent de ma présence pour me refiler le bébé et se barrer à Saint-Trop’ avec bobonne. Les incompétents me collent au slip à n’en plus pouvoir, espérant apprendre un maximum à mon contact. Les soucieux de leur image rameutent la presse pour apparaitre en photo à mon côté et font en sorte que leur nom soit aussi gros que le mien dans le baveux qui annonce la résolution de l’enquête. Les pédoques (autrement dit les tantes) tentent de me mettre le grappin dessus. Ceux qui s’ennuient sont contents car ils savent que dans le sillage de mes enquêtes, l’action fait du ski nautique[1].

Mais Deboeuf, lui, fait partie des teigneux, des jaloux, des hiboux, des cailloux, des genoux et surtout des poux. Il me voit comme une concurrence, une mise à l’épreuve… je peux pas lui reprocher, cela dit, et ce pour deux raisons. La première, c’est qu’il faudrait déjà que je lui proche une première fois. La seconde, c’est que son attitude se conçoit tout à fait (conçoit pour, ou conçoit contre). Tiens, toi, par exemple : tu serais heureux si ta copine t’annonçait impromptu qu’elle faisait appel à son ex pour le premier samedi du mois ? Malgré l’aspect reposant d’une telle décision, tu boufferais ta cravate, me trompé-je ?

Alors Deboeuf, en con-séquence, ne s’est pas levé quand je suis entré, il ne m’a pas tendu sa pogne (et pourtant, je te l’ai dit : des battoirs pareils sont faits pour serrer des pinces ! ceci dit je préfère les miennes, idéales pour serrer des miches), et ne m’a pas invité à m’asseoir (il ne m’a d’ailleurs pas invité à Massy non plus). Comble du vicelard : il a placé devant son bureau une chaise en toc de chez la Fouarfouille, quand un fauteuil moelleux à souhait est disponible dans la pièce, mais remisé dans un angle. Ça s’annonce pas des plus confortables, cet entretien ! En particulier pour mon fignedé, que j’installe malgré tout sur l’indigne dossière.

Heureusement, l’échange est laconique, lapidaire, synthétique, expédié rapido. Pardon ? Que dis-tu ? Tu voudrais néanmoins connaître les grandes lignes ? Fastoche ! Paris-Lyon-Marseille d’une part, et Paris-Bruxelle-Amsterdam. Comment ? Tu ne parlais pas de réseau ferroviaire ? Oups. Il faut bien dire que tu n’es pas très clair ! Les grandes lignes de la converse, les voilà, elles vont suivre. Tu croyais quand même pas que j’allais les laisser sous scellés, non ? Tu me connais, à force : je te dis tout, c’est systématique, même quand je fais le choix de te laisser tartir quelques pages avant de t’affranchir. Mais toi, bêtement, tu m’interromps pour avoir des détails que tu aurais eu plus vite en la bouclant ! Je te conseillerais bien de te remettre en questions, gars, mais les réponses à ces questions risqueraient d’être dures à entendre…

Bon. Bref ! Où sont nos moutons ? Par là-bas ? Au paragraphe suivant ? Ah tiens, oui, je les vois. Bêêêê ! Retournons-y, alors. Suivez-tous bien, personne derrière le serre-fil, et le dernier ferme la porte !

En quelques instants, donc, Deboeuf me fait piger, sans naturellement le dire textuellement, qu’il est blasé de me voire arriver souiller ses plates-bandes. Il dit se tenir à ma disposition avec ses hommes, me renvoit vers son adjoint pour prendre connaissance des indices concernant les deux premiers meurtres, puis me congédie. Le tout en tirant une tronche longue comme la liste des nanas qui t’ont flanqué une veste depuis ta puberté. En somme, il ne me refile le paquet qu’à contrecœur, sous la contrainte… le Vieux l’a pris à contre-pied ! Mais il compte contre-attaquer, agir à contrario pour contrarier mon enquête, voire me mettre une contravention qu’on troque contre corruption dans les contrées où l’autorité est contrastée[2] [3] [4] !

Tu l’as compris : j’ai l’impression qu’il ne va pas beaucoup m’aider, le père Deboeuf. Normal, remarque, ce type m’a l’air sacrément con. Or, les cons, c’est comme la neige : plus il en tombe, plus c’est difficile d’avancer ! Face à cette attitude des plus déplaisantes, pour tout te dire, moi je reste courtois. Je me dis in petto que la meilleure réponse viendra du terrain. Quand j’aurais résolu l’énigme malgré lui, il aura l’air bête autant que toi tu as l’herpès !

Puisque le divisionnaire me mets à la porte (je préférerais me mettre au Whisky, mais tu sais ce que c’est… regarde-moi ça, cette poussière ! et ces vitres très mal lavées : tu m’as compris, l’alcool et le turbin ne font pas bon ménage), je me lève, me meus (meuh, meuuh, Deboeuf !) jusqu’à la porte, et jette un dernier regard sur cet enfoiré, qui est déjà penché sur un papelard quelconque. Je regrette de ne pas contrôler mon sphincter comme ce cher Béru, la perspective de craquer dans ce burlingue une perle de la famille des silencio-odorantes me paraissant des plus plaisantes. Incapable d’accéder à mon propre désir, je sors.

*
*abc*


C’est dingue ce qu’on peut faire avec deux-trois bricoles ! Tu veux une preuve ? Saint-Thomas, va. Je te reconnais bien là : l’autre jour, tu refusais même d’admettre que ton voisin Alphonse embroquait ta greluche derrière ton dos malgré la présence de son slip kangourou sous ton oreiller ! Il t’en faut toujours plus, alors ! Une preuve, donc ? Cesse de reluquer les jupons alentours et fixe tes châsses sur ce qui surplombe le présent paragraphe. Tu saisis ?

Et oui, trois fois rien, ou plutôt trois fois une étoile, le tout disposé en un triangle équilatéral, et cela en dit bien aussi long qu’une phrase de type : « Un laps de temps certain s’est écoulé, notre héros se trouve à un autre endroit désormais, où, gageons-le, il rencontrera d’autres personnages hauts en couleurs et d’autres intrigues ! ». Car, avoue-le, sans t’arrêter sur ces trois étoiles plus d’un quart de seconde, tu n’en as pas moins pensé, effectivement, qu’une éclipse[8] temporelle séparait mon départ du bureau de Deboeuf du paragraphe suivant !

Je suis maintenant devant l’Isara. Les dossiers que l’adjoint de Deboeuf m’a refilé sont dans ma fouille, mon python dans mon holster, mon pénis dans mon slip et mon slip dans mon falzar, et, pour finir, tout est dans l’ordre.

Eloi me guide vers une petite salle d’étude, où je pourrai compulser en toute tranquillité les docs obligeamment rédigés par les collègues de la criminelle Lyonnaise en attendant l’évolution de la traque des deux vilains de Duroc, les deux pieds-nickelés. Pourquoi ici ? Parce que c’est moi qui écris, et toi qui lis ! A-t-on déjà vu un canasson demander à son jockey pourquoi courir après un bête lévrier ? Bon ! Je te réexplique une ultime fois le principe : j’agis en virtuose, tu tournes les pages en silence, et ainsi notre binôme fonctionne en harmonie !

Je dois te le dire, charmante Elvire : le coup des doubles prénoms, je ne m’y fie pas encore complètement. Ça n’a ni queue ni tête (comme toi !), bon sang de bonsoir, je n’imagine vraiment pas les critères qui pousseraient quelque malotru à estourbir des zigs sur leur simple patronyme ! L’Isara reste donc le seul point commun à tous les meurtres qui me semble complètement fiable. Je sens qu’il est souhaitable de m’imprégner de l’ambiance, de connaître les bâtiments, de croiser le personnel, de fouler le lino, de gafer les mignonnes étudiantes d’un œil salingue, et tout le tralala.

T’es choqué, Aimé ? Le commissaire San-Antonio, lubrique en évoquant de jeunes et innocentes étudiantes, ça t’interpelle ? Allons, allons ! Des sondages très sérieux montrent bien que 117% des individus de sexe masculin lisent ma prose essentiellement pour les passages à caractère fripon ! Ose dire que tu n’en fais pas partie, pour voir ? Bien ! Quant aux étudiantes, elles n’ont rien d’innocent, crois-moi ! Ce sont plutôt des coupables découpables ! Coupables de stupre et de luxure, parfaitement, et ce bien avant leur bachot, d’ailleurs. Les crevettes qui déambulent dans les couloirs de l’Isara savent tout sur le zizi-panpan depuis lulure, certaines seraient même probablement capables de te décrire les bigorneaux de tous les jeunots de leur promotion, n’en doute pas. Avant, que veux-tu ? les donzelles étaient coces, très sobrement. De nos jours, les gerces sont précoces, basta ! Bientôt, tu verras, les gamines seront dépucelées avant leurs parents !

Avec Eloi, on s’installe dans une salle minuscule. J’ouvre les dossiers du sieur Deboeuf, que je m’apprête à survoler. Je veux confronter les faits officiels avec le ressenti du gone. Il a connu les trois victimes, de près ou de loin, il est donc à même (bien que pour le moment, il soit à Lyon) de faire des liens qui auraient échappées aux équipes de la criminelle.

De son côté, Eloi a amené l’Isaraphone, l’annuaire de l’école, pour recenser les doubles prénoms. Je crois qu’il veut vérifier pour de bon s’il n’a pas oublié une autre de ses connaissances ayant cette particularité : il ne le montre pas trop, mais il a été secoué par l’histoire avec son poteau N’a-qu’une-fesse. Par ailleurs, j’imagine qu’il compte vérifier s’il y a une connexion possible entre tous les Jean Daniel et les Sophie Martin. Moi, je te l’ai dit : je cautionne sans trop de conviction cette piste là, mais je la boucle.

Nous potassons nos documents respectifs. Rien, dans ce que je lis, ne m’interpelle réellement : il s’agit de rapports vite chiés, mal chiés par les enquêteurs de Deboeuf. Le lien entre les deux meurtres n’étant probable que depuis aujourd’hui, il n’est fait aucune passerelle entre les deux affaires. A moi de les découvrir, avec l’aide du gone ! Je commence à élaborer une liste de question à son attention.

Marrant, cette ambiance studieuse ! Souvenirs du collège… Je me revois en étude, bien des années en arrière, travaillant aux côtés de mes camarades de classe, seulement distraits par les jupes polissonnes des « grandes » du lycée. Le silence, dans tous les lieux d’enseignement, est le même, tu as remarqué ? C’est pas le silence de quand tu dors, ni celui de ta copine quand tu la demandes en mariage, ni celui de la gauche quand il faut émettre une idée constructive. C’est un silence particulier, un peu doux et ronronnant, généré par le labeur et qui, quelque part, incite à la somnolence. En ce qui le concerne, notre présent mutisme, à Eloi et moi, nous permet surtout de mieux savourer la sonore explosion qui retentit juste au-dessus de nous.


[1] Je ne me rappelle pas avoir déjà fait une métaphore aussi sensass’. Et toi ?
[2] Le premier qui lit ses deux phrases à voix haute sans postillonner gagne un paquet de Kleenex.
[3] Une allitération en «/kɔ̃tʁ/» ! Du Jamais vu ! San-Antonio repousse les limites de la littérature ! (s) Flaubert
[4] Deux notes de bas de pages appliquées au même endroit [5] ! Voilà une innovation qui montre bien tout le caractère (d’imprimerie) de San-Antonio. (s) Gutemberg
[5] Avec celle-là ça fait même 3 ! (s) San-A[6]
[6] San-Antonio nous propose une nouvelle invention que je me presse (d’édition) de relever : la note de bas de page dans une note de bas de page ! (s) Gutemberg[7]
[7] C’est fini ce chantier, oui ? (s) L’imprimeur
[8] Comme le dirait Bérurier.
Psst... d'ici vendredi, un chapitre bonus !

lundi 1 février 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 5

Ne dites pas « vent frais », dites « brise-glace »

Pourquoi sont-ils revenus sur place, ces gougnaffiers ? Toi, suspicieux autant que suce-pisseux, tu subodores une facilité de scénario de ma part, je suppose ? Moi je te réponds ceci : les fossoyeurs de N'avait-qu'une-fesse sont venu vérifier que le turbin était bien exécuté. Leur démarche de ne repasser qu'une bonne demi-heure après la gâchette party leur assure une relative discrétion : je te l'ai dit, le trafic continue quasi normalement, et il n'y a sans doute plus aucun badaud actuellement sur le quai qui y étaient déjà tout à l'heure. Personne ne trouverait donc leur retour suspect, puisque personne ne devine qu'il s'en agit d'un ! Tu me suis ? Oui, mais je suis moi !

Et puis, le barbu comme le bonnet pensent avoir opéré en toute discrétion. Ils n'imaginent pas avoir été gaulés par Eloi tout à l'heure. Et quand bien même : en ne sortant leur bobine du métral (un métral, des métros) qu'un petit instant, le risque d'être retapissé était faiblard. Mais j'ai l'oeil ! J'ai même les yeux : Cyclope n'a qu'à bien se tenir...

Je te l’ai dit : je ne suis pas dans le même wagon que Ribouldingue et Croquignol : je les file au char ! Je les mate sans-souci (bien que n'étant pas à cette station qui se situe, je le rappelle, à Lyon), car les extrémités des compartiments sont vitrées. Les deux présumés vilains discutent : con s’il y a bulle ! Ribouldingue se gratte la barbe en écoutant Croquignol s’agiter sous son bonnet. Si je ne me trompe pas, Eustache, les rôles sont ainsi répartis : Ribouldingue est le DRH de la bande, c’est lui qui effectue les démarches auprès des potentiels « contacts ». Croquignol, lui, sort la sulfateuse quand les entretiens se passent mal.

Présentement, je sens que ce dernier suggère, une fois de plus, de sortir l’artillerie (l’art-tuerie, c’est son truc !), mais en changeant de cible : ce n’est plus d’un Isarien à deux prénoms dont il s’agit, mais d’Eloi. Revenant sur les lieux du crime, comme le fait tout bon assassin d’après un poncif bien connu (s'il s'agit d'un souverain poncif, je penche non pas pour Pie VII, mais plutôt pour Assa V !), ils ont repéré le gone, debout juste à côté d’un poulaga athlétique et spirituel (ne demande pas qui ! tu es vexant) qui fouillait les poches du défunté. Poche où ils ont enfoncé un tract publicitaire le matin même sous les yeux... d'Eloi, qui pourrait faire le lien. Alors oui, lui, Croquignol, il est pour une mise au point un peu violente.

Ribouldingue hausse une épaule et s’apprête à répondre quand il m’aperçoit de nouveau. Le vacarme du métro et le double-vitrage qui nous sépare m’empêchent d’entendre ce qu’il dit précipitamment à Croquignol, mais en les voyant détourner les yeux, je capte nettement leur embarras. Ma présence va les décider à agir, je le sens. Et cela ne m’arrange pas pour trois raisons :
- je suis parti précipitamment de la maison pébroque, y laissant mon arme de service.
- s’ils défouraillent ici et maintenant, la rame de métro ressemblera rapidement à la boucherie sanzot, avec les usagers RATP dans le rôle de la marchandise saignante.
- ces deux raisons en valent bien trois !

Je continue à les reluquer : tu comprends, Gontrand, que je ne suis pas en position de force, et il va me falloir tout faire pour semer ces deux peignes à cul rapido. Autrement dit, si je ne peux ni les suivre, ni les appréhender, il me faut à minima assimiler un maximum de détails sur eux, leurs bobines, leurs fringues, et tout le tintouin. Manière de pouvoir émettre un signalement potable aux collègues, et que cette filature express ne serve pas à podzob.

La raie (à moins qu'il ne s'agisse de l'arrêt ?) suivant est Montparnasse-Bienvenüe. Au passage, quelle bonne idée d’attribuer à la station d’une gare le patronyme d’un ingénieur des ponts et chaussées nommé Bienvenüe ! Suivant ce principe, je rebaptiserai la station Chatelet "Edward Hall", la station Gare de Lyon "Richard Coeur de Lyon", Porte des Lilas "Serge Gainsbourg", Gare du Nord "Line Renaud", Pantin "Jean-Louis Debré", Bir-Hakeim "Jean Delatour", Place d'Italie "Rocco Sifredi", Place des fêtes "Jean-Louis Borloo", Invalides "AS Saint-Etienne", La muette "Ségolène" (ah tiens ? ça ne colle pas !), Les volontaires "Parti Socialiste" (non plus !), La Fourche "Rocco" (encore !), und so weiter, tu as saisi le principe.

Quoi qu'il en soie (comme dirait un papillon de ma connaissance), arrivé à Montparnasse, j’ai mémorisé une somme conséquente de détails. Je ne pense pas pouvoir en retenir davantage, d’autant moins que depuis qu’ils m’ont repéré, les vilains se sont détournés (il est certainement plus facile de se détourner que de détourner un airbus, soit dit en passant).

Sereinement, je me déporte (ce serait bête de se défenestrer d'un métro), et je m’éloigne d’un pas léger. Sans avoir besoin de tordre le cou, je devine que mes pieds nickelés sont également descendus, quelques mètres derrière moi, de leur wagon. Soudain, je lance un sprint qui ferait jaser Jazy, j’ose le dire[1]. Bruits de cavalcade derrière moi... Alors que la sonnette du métro retentit, je bondis à nouveau dans la rame.

Bilan de cette petite course : rien n’a changé au niveau de nos placements relatifs. Je suis dans le wagon trois, eux dans le deux. Mais ma petite ruse clarifie les intentions de chacun : je veux leur échapper, et eux en veulent à mon calbar ! Je les vois toujours, derrière le double plexiglas : ils ne s’empêchent plus de me mater, maintenant. Pire : ils me fusillent du regard ! Une salve qui ne m’ébranle aucunement, certes, mais qui en laisse présager une autre un tantinet plus concrète : Croquignol sort son soufflant, qui n’a rien d’un sous-flan, croyez-moi !

Je me dirige illico vers le fond de mon wagon, pour m’éloigner le plus possible d’eux. Une fois proche de la dernière porte, je m’accroche et tire brutalement sur la poignée de freinage d’urgence. Bien que je ne les distingue plus très bien d’aussi loin, je pense que mes deux nouveaux amis ont culbuté, comme tous les autres passagers qui avaient le malheur d’être debout quand la rame s’est brusquement arrêtée. Sans chercher à vérifier, je donne un coup de pied sec (a-t-on déjà vu quelqu’un donner un coup de pied mouillé, ou même humide ?) dans un boitier contenant un extincteur de secours. La vitre dudit boitier explose gentiment. Je me saisis de l’extincteur dont je me sers pour démolir la vitre la porte la plus proche. En un coup, j’ai ménagé une ouverture juste suffisante pour un faux-filet. En deux coups, je peux m'y faufiler.

Tout a été calculé au quart de poil, et non pas au car de poils, aucun touriste portugais ne trainant dans les parages. Je t’explique : au moment du coup de frein, les deux premiers wagons s’étaient déjà engouffrés dans le tunnel menant à la station suivante ; mon wagon, lui, était encore face au quai, OK ? De ce fait, je peux rapidement poser le pied dessus et filer dans le dédale de couloir de la station Montparnasse, alors que mes deux loustics doivent avant tout se frayer un passage jusqu’au troisième wagon pour pouvoir sortir de la rame. Ce qui leur impose l’effraction préalable des deux vitres qui nous séparaient il y a encore 30 secondes.

Le laps de temps ainsi grapillé me permet de gagner rapidement la sortie la plus proche. Au grand air, j’hèle un taxi. Je lui demande de me driver sans attendre jusqu’à Duroc, où je dois récupérer ma Maserati et le gone Eloi. Mon chauffeur, qui s’agite tellement sur son siège qu’il doit avoir une colonie de morbacs nichés dans le fignedé, me répond que c'est à peine à une station de métro de là. Comme je lui dis que je m'en tamponne et que je lui sucre son pourliche s'il continue à finasser, il obtempère.

Pendant que mon Robert de Niro personnel agite son derche et que son taxi nous ramène vers Duroc, je fais un nouveau point. A quoi a servi cette petite excursion souterraine, menée non au pas galop, mais trot (politain) ? Les avancées sont les suivantes : je suis désormais sûr que les deux gus repérés par Eloi étaient impliqués, ensemble, dans le meurtre de Fabien Henry. Je connais désormais leurs minois et j’ai une meilleure idée du mode de fonctionnement du binôme. Bon.

Ce qui me taraude, à présent : j’avais sous la pogne deux suspects en or massif, et faute de moyen, j’ai du mettre les adjas au lieu de les serrer. Dans une affaire lourde de trois cadavres (et la pesée n’est, à mon idée, pas définitive), débusquer deux filous dans l’heure qui suit le lancement de l’enquête est un petit miracle ; les laisser filer constitue une bévue conséquente.

Je choppe Eloi à Duroc, lui bonnis en trois phrases un résumé de l’épisode précédent qu’il a raté en même temps qu’il a raté le métro, puis je l’installe dans le fauteuil passager de ma guinde et retourne à la maison poupoule en quatrième vitesse. En chemin, puis sur place, je passe quelques coups de fils express comme suit.

Le premier à Mathias le rouquemoute, à qui je donne un signalement précis des deux vilains : charge à lui de trouver leurs noms et d’avertir tous les poulagas de la capitale en urgence. Je ne m’inquiète pas, le flambé va me faire ça en un temps record, il a un système de fichage ultra-perfectionné des filous du monde entier que le monde entier lui envie, justement. Si Croquignol et Ribouldingue sont des pros, il saura mettre un patronyme sur leurs tronches en moins de temps qu’il n’en faut à un cul-de-jatte aimant les culs de chattes pour se retrouver dans un cul-de-sac. Je lui demande en outre, au flambé, de se rendre à Lyon dès que possible pour fureter à la morgue et contempler les deux premiers cadavres.

Le second appel est pour Béru, pour lui demander de suivre attentivement la recherche des deux gredins, et de prendre les choses en main en cas de besoin. Las, c’est la Pine qui répond d’une voix chevrotante que l’Enorme est suspendu jusqu’à nouvel ordre. « Mais ne t’inquiète pas, Antoine, je m’occupe toujours d’élaborer une stratégie de défense. Moi vivant, Alexandre-Benoit ne sera jamais acquitté, il sera écroué, tu peux me croire sur parole ! » Renonçant à expliquer au débris le sens des mots "écrouer" et "acquitter", je m’apprête à passer un coup de fil subsidiaire à Jérémie Blanc quand Mathias me recontacte : les crapules sont identifiées et leur signalement passe déjà de main en main dans tous les commissariats de Pantruche. Il me faxe le nécessaire avant de filer sur Lyon.

Je reprends ma course de téléfond. Monsieur Blanc. Sa chère Ramadée est malade actuellement, et le négus s’est mis en congé pour rester à son chevet. Je lui demande nez-en-moins (ça tombe bien, sa femme souffre du syndrome du nez-vide) de prendre la place de Béru pour ce qui est du suivi des recherches de mes deux crapules. Il me fait savoir que je suis « sacrément chié », mais que je peux compter sur lui, dès lors qu’il n’est pas besoin de quitter Pantruche pour se faire.

Pénultième échange tel-est-faux-nique avec le Tondu number one, le directeur de la police. Je lui demande de me confier l’enquête de la station Duroc et celles des deux meurtres Lyonnais. « Et quelle justification devrai-je donner au divisionnaire Deboeuf, de la criminelle à Lyon, pour le délester d’une double-affaire aussi sérieuse ? » renâcle le vieux. Je lui signale que le troisième meurtre s’est déroulé en pleine capitale : l’affaire a pris une ampleur extra-lyonnaise depuis une heure.

« Certes, mais la victime reste "originaire" de Lyon, il me faudrait une autre raison pour vous charger, vous, et pas Deboeuf, des investigations nécessaires. » Je le renvoie à ma bibliographie : ce n’est pas une seule bonne raison de me laisser l’affaire que je lui présente, mais près de 150 enquêtes menées à bien, la grande majorité ayant été diligentée par lui-même. Je dois avoir l’air déterminé, car le vieux accepte sans trop rechigner. Je l’imagine en train de caresser son crâne-mannequin-pour-arrière-de-slip (en peau de fesse véritable) quand il me dit : « Et bien soit, San-Antonio, je vous assermente. Allez ! »

Le dernier coup de turlu est pour Maman. Je lui signale que je file sur Lyon pour quelques jours. Je la rassure : je vais être prudent, je ne prendrai pas froid et je reviendrai intact et vite. Comme elle insiste, j’accepte qu’elle m’envoie une valise avec quelques vêtements propres et mes affaires de toilettes. Nous convenons d’un hôtel où j’irai chercher tout ça, et où elle me réservera un chambre (car je ne vais tout de même pas dormir dehors : faut pas chambrer !).

Je récupère mon arme de service, un python acquis récemment et beau comme tout, et m’adresse a Eloi, qui m’a silencieusement observé pendant que je prenais les choses en main.
- Prêt, gone ? La gare de Lyon va mériter son nom d’ici peu : on retourne chez toi ! Attrape ce papelard qui sort du fax et arrive.

En se levant, Eloi déclare, visiblement impressionné :
- Si je rencontrais des types de ta trempe à chaque fois que j’arrivais à la bourre à un rencard, je crois bien que je jetterai illico ma tocante aux gogues et renoncerai pour de bon à la ponctualité !

Et il n’a encore rien vu !
*
*abc*

Tu veux savoir en quoi l’écriture est encore bien supérieure à la technologie ? M’en vais te l’apprendre de ce pas, Nicolas ! Tu ne pourras plus dire que San-Antonio n’est pas un vecteur de connaissance, après ça. Pardi ! Tu as dans les mains un book formidablement plein de culture et d’informations. Attention tes doigts : ça dégouline, tellement y en a !

Je t’explique donc en quoi mes écrits surpassent les travaux de la Nasa. C’est tout simple : moi, en un paragraphe, je passe direct de mon bureau de la maison poupoule au TGV de 15h, filant à Lyon à plus de 200 km/h. Ça me prend 10 secondes à écrire, ça t’en prend à peine plus pour le lire, et ceci, sans combi, sans harnais de sécurité, sans trucage et sans filet ! Effets secondaires ? Pas davantage. Aucun vomi, pas de vertige, niet ! Si c’est pas de la téléportation express, ça !

C’est marrant, une nympho de ma connaissance à cru un temps que TGV voulait dire « Très Gros Vibromasseur ». Ce qui a fait naître en elle un fabuleux désir, tu penses. Pour une belle désillusion, ça a été une belle désillusion ! A l’instant même, je ne me plains pas de la signification réelle du sigle. J’ai hâte d’arriver à Lyon, de me frotter à peu à cette affaire… Je demande à Eloi de me filer le fax de Mathias. Le gone regarde au passage s’il s’agit bien des gonzes qu’il avait repérés.
- Cherche pas, môme, le rassuré-je. Avec une description signée Bibi et une recherche estampillée du rouquemoute, pas d’erreur possible !

Il opine et me file le faf. Deux bobines y apparaissent, ainsi que deux noms : ENKULA Jacek et DURÊVE Yvan. Et là, je dois avouer une certaine déception : il s’agit de deux toutes petites frappes. Hé ! Quoi ! Dans un ouvrage comme celui-ci, enrichi en potassium, en oligo-élément, en vitamine A, C, Q, F, S (cul et fesses), en uranium, en action, en suce-pense, et tout le reste (dans la limite des normes), des mauvais gredins auraient leur place ?

Pourtant, ce sont bien eux. Yvan Durêve est peut-être le plus intéressant... il a été condamné à quelques mois de taule l’année passée pour avoir travaillé pour la Secte « Ô, Plasme ! ». Il recrutait des gogos en leur promettant une réincarnation en oursin albinos après leur mort. L’écriture manuscrite de l’enflammé précise que « Yvan Durêve est tout sauf un illuminé : il n’a accepté ce boulot que contre une part substantielle de l’argent extorquée aux victimes de la secte. Il a tout balancé pour alléger sa peine. ». Ça me confirme son rôle de mecton « à tchatche », censé repérer le contact disparu en blablatant avec les « candidats ».

Enkula est un Polonais connu pour avoir dessoudé quatre mecs dans son pays. « Tous à l’arme de poing » ajoute ce cher rouquemouthias. Un vice (cruciforme, sans doute) de forme dans son jugement lui a permis de ne rester qu’une paire d’années au gnouf au lieu de la ribambelle prévue initialement.

Alors quoi ? Un escroc minable et un cow-boy polak ? Au centre de mon affaire ? Voilà qui ne colle pas, comme dirait mon pote Robert Uhu. Et déjà : comment un manche comme Enkula aurait-il pu procéder à un dézingage en mode corde et un autre en mode surin ? Le gars est un maniaque du calibre. Ce serait alors l'oeuvre de Durêve ? Le gars semble pourtant préférer garder les mains propres. Non, ya pas ! Il y a un point noir comme ton fion dans cette affaire ! Les trois meurtres semblent rester étrangers les uns zozotres.
- Un souci ? me demande le jeune d’entre Rhône-et-Saône (je connais un alcoolique qui vient d’entre Roule et Saoule).
- Tout dépend ! dis-je en prenant la peine d’y mettre un point d’exclamation. Si le fait de rajouter au moins un troisième pied nickelé à la bande des méchants est à même de te réjouir, alors tu peux être extatique.
- Caisse à dire ?
- Sept à dire que j’ai la conviction que ces deux guignols, sur ce fax, n’ont pas pu aligner Pierre Charles et Cécile Baptiste.
- Nous voilà bien ! juge Eloi (ça m’fait pas peur : c’est mon fils, ma bataille). Qui l’aurait fait alors ?
- Ça me parait évident : quelqu’un d’autre !

Réponse provisoire, j’en suis sûr. Mais mine de rien, le doute m’assaille à nouveau. J’en reviens un peu à me demander si vraiment tout est lié dans cette affaire… car enfin merde, quoi ! Après cinq chapitres, je n’ai toujours aucun fil conducteur ! Cette aventure va faire baisser ma moyenne, tu vas voir !

[1] Cette allitération en "zz, jzzz, jzz" évoque parfaitement le caractère pressé, fusant, furtif de l’action. Bravo San-Antonio ! signé Racine