L'avant match ! (je suis le numéro 4 blanc, celui qui n'a pas l'air rassuré...)
Le match est parti sur le même mode que le précédent : très violent. Tyutchev, Putitsin et moi, on a rendu un maximum de coups au début, mais on a vite constaté que nos ripostes étaient bien plus sévèrement sanctionnées que les agressions adverses. A un moment, l’attaquant d'en face m’a quasiment arraché le maillot sans que l’arbitre ne réagisse…
Mais celui qui a encaissé le plus de coups, c’est Trusevich, notre gardien. A chaque coup de pied arrêté accordé au Flakelf, coups francs et corners (et il y en a eu des brouettes), il devait éviter les coudes et les genoux pour tenter de se saisir du ballon. Il a fini par se faire ouvrir la lèvre sur une charge particulièrement agressive. Deux minutes après, encore un peu sonné, il était battu par une frappe lointaine signée de l’une des « recrues » du Flakelf. Bronca impressionnante autour du terrain... et bien sûr, tout le monde debout en tribune officielle…
- Et alors ? a grondé Klimenko dans le tumulte, le regard noir. On s’en fiche. On va égaliser…
Mais le temps filait et nous avions un mal fou à créer de véritables occasions. Pour répondre au défi adverse et ne pas prendre un but de plus, nos joueurs offensifs jouaient très bas, compromettant nos quelques bons ballons de contre-attaque. Timofeyev, Tyutchev, Klimenko et moi-même avons livré, compte tenu du contexte, une très belle performance, défendant en laissant très peu d’occasions à l’arbitre de nous sanctionner. Nos belles combinaisons en défense donnaient à notre public l’occasion de se réjouir un peu. Pour le reste, l’ambiance était retombée progressivement au long de cette mi-temps sans occasion…
Peu de temps avant la pause, cependant, Korotkykh et Putitsin ont réussi à enclencher un superbe une-deux. Evitant un tacle kamikaze, Putitsin a glissé la balle entre deux adversaires pour Sukharev qui s’est lancé dans une accélération dont il avait le secret. La chevauchée s’est terminée par une obstruction d’un défenseur adverse. La faute était trop énorme, trop évidente pour que l’arbitre ne la siffle pas. Au bord du terrain, tout le monde s’est alors réveillé et les cris d’encouragement ont repris.
Ce bon coup-franc, Kuzmenko l’a envoyé droit dans la lucarne gauche du but adverse. Mais l’hystérie de nos supporters s’est vite convertie en huées agressives : de manière incompréhensible, l’arbitre a donné le coup franc à retirer, annulant le but. Kuzmenko, magnifique, a remis le couvert, atteignant cette fois-ci la lucarne droite ! Le délire autour du terrain était énorme, à la hauteur du formidable pied-de-nez que Kuzmenko adressait à l’arbitre qui n’a pas eu le cran d’annuler cette nouvelle tentative.
Ce but nous a regonflés à bloc ! Personnellement, il a même réussi à me faire oublier quelques instants le contexte détestable de la rencontre. Et ce n’était pas fini : dans un dernier élan offensif, Putitsin a tenté de trouver Goncharenko sur un long ballon. Bonne pioche ! Goncharenko a contrôlé le ballon de la poitrine avant de se lancer dans un course étourdissante au cœur de la défense adverse et de tirer. Sa frappe très lourde n’a laissé aucune chance au gardien allemand, qui encaissait pour le coup son deuxième but en… deux occasions.
L’arbitre a semblé réfléchir un instant, cherchant probablement une bonne raison de ne pas valider le but, mais la limpidité de l’action et les rugissements du public ont eu raison de ses hésitations : à la pause, nous menions 2 buts à 1. Sur le chemin du vestiaire, la foule nous a gratifiés d’une ovation extraordinairement chaleureuse, du genre à vous pousser aux larmes : des milliers de personnes que nous ne connaissions pas nous encourageaient, nous félicitaient, nous portaient en triomphe. Putitsin le flambeur a attrapé au vol une fleur envoyée par une de ses supportrices et Timofeyev a été le dernier rentré car il se faisait un devoir de serrer toutes les mains tendues.
Malheureusement, nous n’avons pas vraiment pu savourer cet avantage : avant même que nous ayons pu fermer la porte du vestiaire, un visiteur fit son apparition. C’était Shvetsov. Les seules fois où je l’avais vu auparavant, il arborait soit le visage fourbe du type fielleux qui vient de réussir un sale coup, soit la gueule du mec qui vient de se ramasser un 7-2 par une équipe d’affamés.
Cette fois, il avait l’air mal, le pauvre vieux. Il transpirait au moins autant que nous !
- Les gars, il a annoncé, vous êtes très forts. Vous tapez les meilleurs soldats que le Führer ait pu trouver, et ce malgré un arbitrage corrompu… Je ne vois pas quel fou pourrait affirmer que vous n’êtes pas les meilleurs. Mais maintenant, faut tout arrêter… Sinon, ils tireront dans le tas ! Je suis en tribune juste derrière Model, je sais ce que j’avance.
- Et bien, a lancé Trusevich, ce n’est pas ce que tu voulais ? Depuis le début, tu contribues du mieux que tu peux au torpillage de notre équipe ! Au moment où ça aboutit, de quoi as-tu peur ? - Il a peur pour sa gueule, a craché Putitsin en broyant sa fleur. Le Generaloberst a dû menacer de le mettre dans le même sac que nous, c’est ça ? Après tout, qui sait si, en tant qu’organisateur du tournoi, tu n’es pas mouillé jusqu’au cou dans cette équipe d’Untermensch rebelles ?
Œillade paniquée de Shvetsov. Putitsin, avec sa silhouette de mannequin, pouvait donner l’image d’un type un peu superficiel. Pourtant, tout ce qu’il disait était juste. Cette fois, encore…
- Savourez cette nouvelle victoire sur moi, les gars, a répondu Shvetsov. C'est vrai, vous avez peut-être ma vie entre les mains. Vous avez aussi la votre. Une défaite… une toute petite défaite ne vous ferait pas perdre la tête du championnat. Et elle vous donnerait un peu de temps pour réfléchir à l’énormité et la gravité de votre action.
Shvetsov s’est tiré sans se retourner. Encore une fois, nous n’avons pas eu le temps de dire un mot : la porte s’est réouverte sur le Generaloberst Walter Model en personne, responsable de toute une partie du front de l’est pour les Allemands. Il était revenu des combats exprès pour le match, et il est entré dans notre vestiaire avec deux soldats armés de mitraillettes –j’ai repensé très fort à ce qu’avait dit Trusevich avant le match.
Comme l’arbitre, Model parlait un Ukrainien irréprochable. Dans ma mémoire, il était le « nazi-type », tel qu’on en voit dans tous les films historiques retraçant l’histoire de la seconde guerre mondiale : calme, poli, distingué mais terriblement froid, machiavélique. Il a dit :
- Félicitations, c’était une… disons une belle première mi-temps. Vous faites preuve de beaucoup de talent et de courage, ce n’est pas un hasard si vous menez au score. Malheureusement : vous allez perdre.
- Ce n’est pas parti pour, marmonna Trusevich.
- Ecoutez-moi, monsieur Trusevich, a doucement répondu Model. Ecoutez, et surtout : réfléchissez ! Je vous invite à penser aux conséquences de vos actes… A l’ampleur de votre provocation, et à l’entité à qui vous la lancez. Pour vous, une victoire serait sans issue.
Il s’est retourné, puis s’est tiré à son tour.
- Pas question que je prenne le risque de me faire péter une jambe par l’une de ces onze brutes pour le plaisir de me faire mitrailler après, a gémit Korotkykh, qui semblait plus jeune que jamais.
- Ils ne feront rien, a répliqué Klimenko, tout de même moins bravache qu’avant le match. Aucune vraie menace là-dedans … Il peut rien nous reprocher, il veut nous effrayer.
- Et « sans issue », ça t’évoque quoi ? s’est emporté Korotkyth, fébrile.
- Et tu oublies l’avertissement de Shvetsov ? a rajouté Melnyk, murmurant comme toujours.
- Pareil ! a répliqué vivement Goncharenko. Un autre moyen indirect de nous faire flipper ! Comme ils ont fait avec Balakin.
Pendant que le ton montait, je me disais que ce que nous avaient dit Balakin, puis le joueur de Rukh, puis Shvetsov et pour finir Walter, tout ça recoupait parfaitement l’avertissement de Kaminski. Et cette mise en garde là, confidentielle, ne pouvait pas faire partie d’un plan d’intimidation…
- Restons calmes, est intervenu Trusevich au moment où deux autres, probablement Klimenko et Korotkykh, se sont levés, manifestement prêts à en venir aux mains. Asseyez-vous ! Silence !
A ce moment là, la porte s’est à nouveau ouverte. Sur Komarov.
Arrivés sur le terrain, nous nous sommes fait broyer les phalanges par les onze joueurs de Flakelf. Cela dit, il y en avait deux ou trois dans notre équipe capables de briser une buche à la force des doigts, qui n’ont pas du laisser leur poigne au vestiaire. Début de l’opposition…
Dans la tribune officielle se trouvaient, outre l’état-major de Walter Model et les officiers nazis responsables de la ville de Kiev (dont Rechner), tous ceux qui avaient un tant soit peu de sympathie pour le troisième Reich : leur place avait été réservée et offerte. Quand Shvetsov a présenté au public l’équipe de Flakelf, tous se sont levés pour rendre leur salut aux onze joueurs allemands.
Tout autour du terrain, contre la main-courante et dans les tribunes secondaires, se massaient tous ceux qui soutenaient le FC Start et qui avaient, à nouveau, payé leur place. Quand le FC Start a été annoncé, aucun d’entre nous n’a salué. Je n’ai pas osé regarder la tribune officielle, où de toute évidence, Model et ses officiers s’offusquaient de ce premier signe de défi. Heureusement, « nos » supporters déclenchèrent un vacarme assourdissant, nous isolant provisoirement de l’hostilité nazie.
Evitant le regard de l’arbitre et toujours sans me tourner vers la tribune officielle, je suis allé me placer en défense à côté de Tyutchev qui reculait d’une ligne, passant de la récupération à la charnière. Une nouvelle fois, nous jouions sans véritable défenseur (à moins de me considérer comme un « vrai » défenseur), mais j’étais content d’avoir le colosse muet à mes côtés.
Dans la tribune officielle se trouvaient, outre l’état-major de Walter Model et les officiers nazis responsables de la ville de Kiev (dont Rechner), tous ceux qui avaient un tant soit peu de sympathie pour le troisième Reich : leur place avait été réservée et offerte. Quand Shvetsov a présenté au public l’équipe de Flakelf, tous se sont levés pour rendre leur salut aux onze joueurs allemands.
Tout autour du terrain, contre la main-courante et dans les tribunes secondaires, se massaient tous ceux qui soutenaient le FC Start et qui avaient, à nouveau, payé leur place. Quand le FC Start a été annoncé, aucun d’entre nous n’a salué. Je n’ai pas osé regarder la tribune officielle, où de toute évidence, Model et ses officiers s’offusquaient de ce premier signe de défi. Heureusement, « nos » supporters déclenchèrent un vacarme assourdissant, nous isolant provisoirement de l’hostilité nazie.
Evitant le regard de l’arbitre et toujours sans me tourner vers la tribune officielle, je suis allé me placer en défense à côté de Tyutchev qui reculait d’une ligne, passant de la récupération à la charnière. Une nouvelle fois, nous jouions sans véritable défenseur (à moins de me considérer comme un « vrai » défenseur), mais j’étais content d’avoir le colosse muet à mes côtés.
Trusevich
Tyutchev et moi
Timofeyev Putitsin Klimenko
Korotkykh Melnyk
Goncharenko Kuzmenko Sukharev
Tyutchev et moi
Timofeyev Putitsin Klimenko
Korotkykh Melnyk
Goncharenko Kuzmenko Sukharev
Le match est parti sur le même mode que le précédent : très violent. Tyutchev, Putitsin et moi, on a rendu un maximum de coups au début, mais on a vite constaté que nos ripostes étaient bien plus sévèrement sanctionnées que les agressions adverses. A un moment, l’attaquant d'en face m’a quasiment arraché le maillot sans que l’arbitre ne réagisse…
Mais celui qui a encaissé le plus de coups, c’est Trusevich, notre gardien. A chaque coup de pied arrêté accordé au Flakelf, coups francs et corners (et il y en a eu des brouettes), il devait éviter les coudes et les genoux pour tenter de se saisir du ballon. Il a fini par se faire ouvrir la lèvre sur une charge particulièrement agressive. Deux minutes après, encore un peu sonné, il était battu par une frappe lointaine signée de l’une des « recrues » du Flakelf. Bronca impressionnante autour du terrain... et bien sûr, tout le monde debout en tribune officielle…
- Et alors ? a grondé Klimenko dans le tumulte, le regard noir. On s’en fiche. On va égaliser…
Mais le temps filait et nous avions un mal fou à créer de véritables occasions. Pour répondre au défi adverse et ne pas prendre un but de plus, nos joueurs offensifs jouaient très bas, compromettant nos quelques bons ballons de contre-attaque. Timofeyev, Tyutchev, Klimenko et moi-même avons livré, compte tenu du contexte, une très belle performance, défendant en laissant très peu d’occasions à l’arbitre de nous sanctionner. Nos belles combinaisons en défense donnaient à notre public l’occasion de se réjouir un peu. Pour le reste, l’ambiance était retombée progressivement au long de cette mi-temps sans occasion…
Peu de temps avant la pause, cependant, Korotkykh et Putitsin ont réussi à enclencher un superbe une-deux. Evitant un tacle kamikaze, Putitsin a glissé la balle entre deux adversaires pour Sukharev qui s’est lancé dans une accélération dont il avait le secret. La chevauchée s’est terminée par une obstruction d’un défenseur adverse. La faute était trop énorme, trop évidente pour que l’arbitre ne la siffle pas. Au bord du terrain, tout le monde s’est alors réveillé et les cris d’encouragement ont repris.
Ce bon coup-franc, Kuzmenko l’a envoyé droit dans la lucarne gauche du but adverse. Mais l’hystérie de nos supporters s’est vite convertie en huées agressives : de manière incompréhensible, l’arbitre a donné le coup franc à retirer, annulant le but. Kuzmenko, magnifique, a remis le couvert, atteignant cette fois-ci la lucarne droite ! Le délire autour du terrain était énorme, à la hauteur du formidable pied-de-nez que Kuzmenko adressait à l’arbitre qui n’a pas eu le cran d’annuler cette nouvelle tentative.
Ce but nous a regonflés à bloc ! Personnellement, il a même réussi à me faire oublier quelques instants le contexte détestable de la rencontre. Et ce n’était pas fini : dans un dernier élan offensif, Putitsin a tenté de trouver Goncharenko sur un long ballon. Bonne pioche ! Goncharenko a contrôlé le ballon de la poitrine avant de se lancer dans un course étourdissante au cœur de la défense adverse et de tirer. Sa frappe très lourde n’a laissé aucune chance au gardien allemand, qui encaissait pour le coup son deuxième but en… deux occasions.
L’arbitre a semblé réfléchir un instant, cherchant probablement une bonne raison de ne pas valider le but, mais la limpidité de l’action et les rugissements du public ont eu raison de ses hésitations : à la pause, nous menions 2 buts à 1. Sur le chemin du vestiaire, la foule nous a gratifiés d’une ovation extraordinairement chaleureuse, du genre à vous pousser aux larmes : des milliers de personnes que nous ne connaissions pas nous encourageaient, nous félicitaient, nous portaient en triomphe. Putitsin le flambeur a attrapé au vol une fleur envoyée par une de ses supportrices et Timofeyev a été le dernier rentré car il se faisait un devoir de serrer toutes les mains tendues.
Malheureusement, nous n’avons pas vraiment pu savourer cet avantage : avant même que nous ayons pu fermer la porte du vestiaire, un visiteur fit son apparition. C’était Shvetsov. Les seules fois où je l’avais vu auparavant, il arborait soit le visage fourbe du type fielleux qui vient de réussir un sale coup, soit la gueule du mec qui vient de se ramasser un 7-2 par une équipe d’affamés.
Cette fois, il avait l’air mal, le pauvre vieux. Il transpirait au moins autant que nous !
- Les gars, il a annoncé, vous êtes très forts. Vous tapez les meilleurs soldats que le Führer ait pu trouver, et ce malgré un arbitrage corrompu… Je ne vois pas quel fou pourrait affirmer que vous n’êtes pas les meilleurs. Mais maintenant, faut tout arrêter… Sinon, ils tireront dans le tas ! Je suis en tribune juste derrière Model, je sais ce que j’avance.
- Et bien, a lancé Trusevich, ce n’est pas ce que tu voulais ? Depuis le début, tu contribues du mieux que tu peux au torpillage de notre équipe ! Au moment où ça aboutit, de quoi as-tu peur ? - Il a peur pour sa gueule, a craché Putitsin en broyant sa fleur. Le Generaloberst a dû menacer de le mettre dans le même sac que nous, c’est ça ? Après tout, qui sait si, en tant qu’organisateur du tournoi, tu n’es pas mouillé jusqu’au cou dans cette équipe d’Untermensch rebelles ?
Œillade paniquée de Shvetsov. Putitsin, avec sa silhouette de mannequin, pouvait donner l’image d’un type un peu superficiel. Pourtant, tout ce qu’il disait était juste. Cette fois, encore…
- Savourez cette nouvelle victoire sur moi, les gars, a répondu Shvetsov. C'est vrai, vous avez peut-être ma vie entre les mains. Vous avez aussi la votre. Une défaite… une toute petite défaite ne vous ferait pas perdre la tête du championnat. Et elle vous donnerait un peu de temps pour réfléchir à l’énormité et la gravité de votre action.
Shvetsov s’est tiré sans se retourner. Encore une fois, nous n’avons pas eu le temps de dire un mot : la porte s’est réouverte sur le Generaloberst Walter Model en personne, responsable de toute une partie du front de l’est pour les Allemands. Il était revenu des combats exprès pour le match, et il est entré dans notre vestiaire avec deux soldats armés de mitraillettes –j’ai repensé très fort à ce qu’avait dit Trusevich avant le match.
Comme l’arbitre, Model parlait un Ukrainien irréprochable. Dans ma mémoire, il était le « nazi-type », tel qu’on en voit dans tous les films historiques retraçant l’histoire de la seconde guerre mondiale : calme, poli, distingué mais terriblement froid, machiavélique. Il a dit :
- Félicitations, c’était une… disons une belle première mi-temps. Vous faites preuve de beaucoup de talent et de courage, ce n’est pas un hasard si vous menez au score. Malheureusement : vous allez perdre.
- Ce n’est pas parti pour, marmonna Trusevich.
- Ecoutez-moi, monsieur Trusevich, a doucement répondu Model. Ecoutez, et surtout : réfléchissez ! Je vous invite à penser aux conséquences de vos actes… A l’ampleur de votre provocation, et à l’entité à qui vous la lancez. Pour vous, une victoire serait sans issue.
Il s’est retourné, puis s’est tiré à son tour.
- Pas question que je prenne le risque de me faire péter une jambe par l’une de ces onze brutes pour le plaisir de me faire mitrailler après, a gémit Korotkykh, qui semblait plus jeune que jamais.
- Ils ne feront rien, a répliqué Klimenko, tout de même moins bravache qu’avant le match. Aucune vraie menace là-dedans … Il peut rien nous reprocher, il veut nous effrayer.
- Et « sans issue », ça t’évoque quoi ? s’est emporté Korotkyth, fébrile.
- Et tu oublies l’avertissement de Shvetsov ? a rajouté Melnyk, murmurant comme toujours.
- Pareil ! a répliqué vivement Goncharenko. Un autre moyen indirect de nous faire flipper ! Comme ils ont fait avec Balakin.
Pendant que le ton montait, je me disais que ce que nous avaient dit Balakin, puis le joueur de Rukh, puis Shvetsov et pour finir Walter, tout ça recoupait parfaitement l’avertissement de Kaminski. Et cette mise en garde là, confidentielle, ne pouvait pas faire partie d’un plan d’intimidation…
- Restons calmes, est intervenu Trusevich au moment où deux autres, probablement Klimenko et Korotkykh, se sont levés, manifestement prêts à en venir aux mains. Asseyez-vous ! Silence !
A ce moment là, la porte s’est à nouveau ouverte. Sur Komarov.