lundi 4 janvier 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 2

Ne confondez pas « bière panachée » avec « chouette cercueil »

Si je te parle de ce gone, ami liseur[1], c’est qu’il va faire, aujourd’hui même, une nouvelle irruption dans mon actualité personnelle. Mais ça, je ne le sais pas encore. Ce que je sais, c’est qu’il y a un attroupement dans un des couloirs de la maison poupoule, et exceptionnellement, ce n'est pas autour de la machine à café. Sagace comme tu l’es (et je te sais également salace), tu as tout de suite deviné qui en est à la l’origine.
- Toi, Poilala ! tonne Bérurier en malmenant le brigadier du même nom. Mon vieux qu’on plisse ! Quasimodo[2] mon frère ! Toi, à qui j’aurais donné le bon pieu sans conviction ! Comment pusses-tu me trahir, moi qui avais fesse de toi mon confit-dent ?
- Trahir ? balbutie Poilala. Mais pas du tout…
- Si, parfaitement, c’est littoral[3] : tu es l’hauteur d’une trahison un-tole-l’érable !
- Calme, gros ! interviens-je en fendant les rangs de spectateurs.
- J’aimerais que tu soisses à ma place, hé, sans rire, rouscaille la Bedaine sans lâcher Poilala. Si tu n’avais ne fusse-t-il qu’une vaguelette idée du crime que ce triste cire vient de comète ! Figure-toive que ce cornichon, pire que Judas Hisse-carotte, s’est juré de m’empoisonner ! Testuel !
- Quand cesseras-tu de te donner en spectacle, ô pomme de terre suprême, je réplique à voix basse.
- Tu m’as pas écouté, mec ! Je te parle d’un con-plot pour porter à teinte à mes jours ! Si m’vient l’idée d’faire un rapport, j’le f’rai virer de la rousse en moins d’deux !
- Allons dans ton bureau, Bibendum ! je suggère. On pourra en parler, et Lucrèce Borgia ne t’y trouvera pas !

Le gros finit par lâcher le malheureux Poilala, qui m’a l’air légèrement plus aplati qu’à l’accoutumée, puis il se dirige vers son bureau, non sans maugréer une suite de mots inaudibles parmi lesquels je ne distingue que « binouse » et « dugland », ce qui ne me donne aucun indice solide à propos de la trahison supposé de Poilala. Avant de refermer la porte, j’intime à tous ceux qui ont assisté à la scène de retourner au turf sans tarder s’il vous plait, non mais oh les Français ne vous payent pas pour faire la ronde dans les corridors, sapristi !
- Accouche, gros, demandé-je en posant prudemment mon illustre postère sur le coin d’une chaise couverte de ce qui ressemble bien à de la rillette de porc. Pourquoi t’en prendre ainsi à Poilala ?
- Voilà l’topo, commence-t-il, l’air mauvais, en piochant dans l’un de ses tiroirs une canette de je-ne-sais-quoi-mais-probablement-pas-recommandé-par-l’administration-policière. J’ai fait l’erreur de demander à cet empaffé d’Poilala d’aller à les pisseries du coin de la rue pour m’y acheter un jeu de binouses…
- C’est donc ça ! je rigole, situant déjà un peu mieux l’action. Désolé, Béru, mais j’ai bien peur que, quoi qu’il se soit passé par la suite, une histoire qui commence ainsi ne saurait faire l’objet d’une procédure disciplinaire à l’encontre de Poilala.
- M’laisseras-tu finir ? s’emporte le Majestueux. Ce cornichon d’Poilala remonte à mon burlingue et s’carapate recta après avoir posé le pacte suce-demandé dans mon tiroir à munitions.
- Hé bien ! Où est le problème ?
- Le problème c’est qu’il ne s’agissait pas de binouses, en l’eau-cul-rance, mais de pas-nachés ! barrit Béru.

Et là-dessus, pour se remettre de ses émotions, celui que je suis bien obligé d’appeler mon adjoint se vote une large rasade de la boisson mousseuse contenue dans sa canette. Emporté par sa rogne, il ne s’est pas rappelé que son tiroir est désormais rempli du breuvage qui constitue les raisins de sa colère. Vivement, je me lève pour ne plus être face à lui : juste à temps pour éviter le geyser de panaché que cette grosse baleine expulse soudainement.

Crachotant, toussotant, éructant dans une cacophonie de borborygmes à même de répugner un égoutier chevronné, Béru s’est levé, puis affaissé, puis relevé, avant de finalement s’adosser à la porte qui à son tour s’affaisse quelque peu.
- J’te l’avais dit ! suffoque-t-il. C’truc, c’est du poisson ! Appelle le seins-nus, Sana, j‘passe l’arme à gauffre !
- Le SAMU ne peut rien pour toi ! ironisé-je. Pour toi ce serait plutôt les alcooliques anonymes, ou alors directement l’asile psychiatrique !
- C’est ça, fous-toi d’ma pomme, articule-t-il en reprenant son souffle. C’est pas toive qui doit encore boire 23 fois 25 Cl de c’t’immondice ! Du panam-ché, ah, l’ordure ! Et pourquoi pas de la grosse-nadine tant qu’on y est ?

La discussion s’arrête là, du moins temporairement, car le téléphone de Béru se met à… devine quoi ? Oui ? Sonner, exactement. Qui peut bien appeler ? T’as une idée, toi ? Voyons ça à la page suivante !

[1] Franchement, ça vous parait logique, à vous, qu’on dise « je lis » et « un lecteur » ? Non ! « Je lis », et donc « un liseur ». Ou sinon, si on garde « un lecteur », on dira « je lecte » ! Correct ? Ah, la langue française fourmille de cas particuliers dont je me délecte (et dont je ne me délise pas).
[2] Il s’agit, j’imagine, d’un mix entre grosso-modo et quasiment.
[3] Pour traduire, je tenterai bien « littéral » ?

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