lundi 5 avril 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 21

« Une tire de volée » n’a que peu de choses à voir avec « une reprise sans contrôle »

Sur les indications de Mathias, j’allume le radar (oups ! excusez-moi : j’ai complètement inversé l’ordre des lettres… tuz !).
- Cap au Nord-Est ! je déclare, tel Cristophe Colomb, qui en son temps a du faire l'objet de certaines blagouze scatophiles, biscotte son blaze évoque quand même l'endroit où la crotte se forme.
- C’est normal de filer au nord quand on veut rentrer en Italie ? demande Eloi.
- Je pense que Pozzi s’éloigne simplement du merdier à l'Isara pour ne pas être sali si les volailles venaient à rappliquer pendant la fusillade, suggéré-je. Il a probablement donné un lieu de rendez-vous à ses sbires une fois le massacre terminé ?
- En tout cas, il conduit comme un manche ! remarque Jéjé qui d'où il est parvient à voir l'écran du radar. Il zigzague à profusion !

On pourrait ajouter qu’il ne va pas bien vite. Guidé par le gone, on prends les grands axes qui jalonnent le trajet de Pozzi. En quelques minutes, on a sa guinde en visuel. Une Lamborghini pas crade, grand format. Il est encore tôt, et les voitures ne sont pas légion dans la capitale des Gaules. Tant mieux pour Pozzi qui semble mal maîtriser son véhicule.
- Qu’est-ce qu’il branle ? demande Eloi. Il est ivre-saoul ou quoi ?
- Et non, gone, je m’exclame : il est nain ! Il a du laisser tous ses hommes sur place. Or, seul, il est incapable de conduire. Il doit à peine voir la route s’il veut atteindre les pédales…
- Vivement qu’on le serre, peste Jéjé.
- En attendant, c’est nous qui sommes serrés ! ajoute Pinuche en pouffant lamentablement.

Un instant, la Lamborghini est hors de vue (elle reste hors de prix) pour avoir tourné à un feu. Quand nous parvenons au carrefour, la luxueuse caisse est à l’abandon sur les voies de tramway qui contournent une grande place -"Grange Blanche", d'après le môme. Le Rouquin s’arrête à une distance raisonnable.
- Suite du programme ? demande Jéjé.
- ‘peut pas être loin, je réponds. On sort et on fouille la place…

Je peux te certifier qu’il ne nous faut bien une minute pour évacuer la Mini. On est tout plié, encastré, coincé les uns par et dans les autres. Jéjé, Pinaud et Eloi donnent l’impression de sortir de la même boîte de sardines. Les tâches d’huiles sur le veston de Pinaud accentuent l’idée.
- Gaffe, le drôle est sûrement armé, je préviens. Rouque, reste avec le gone, par prudence.

On investit la place. On aurait d’ailleurs mieux fait d’investir dans le capitale d’une fabrique de doudounes ! Il gèle à pipe fendre (car après tout, on peut rire de tout, même d’avoir froid), ici, et le fait de sortir à 5 de trois mètres cubes rend le contraste con et triste. Rien ne bouge. Où qu’il est, ce con de Pozzi ? Je pose ma fesse droite sur le siège conducteur de la Lamborghini pour mater le tableau de bord d’un peu plus près : les clés n’y sont plus. Serait-ce à dire que le nain Pozzi cherche à empêcher toute nouvelle poursuite ? Le nain a-t-il largué sa chiotte simplement parce qu’il n’arrivait pas à la conduire, ou bien parce qu’il nous a repérés ? Je penche pour la deuxième option. Sinon, explique moi pourquoi il aurait garé sa guinde aussi mal ? Voilà bien l'attitude d'un gonze qui n'a rien à se reprocher, tiens !

Un type a dit : « le meilleur moyen de ne pas mourir de vieillesse, c’est de mourir d’autre chose ». J’aimerais voir le gars en question se faire tirer dessus. Ce petit malin se rendrait compte, à coup sûr, que mourir de vieillesse n’est pas une si mauvaise idée que ça ! Une dragée vient exploser le rétro gauche de la Lamb’, une autre explose le rétro intérieur après avoir joué à la perforatrice avec le pare brise. Ainsi va des rétros, Satanas ! comme dirait Diabolo. Pan ! annonce encore un revolver pour le moment anonyme. Flûte ! me dis-je dans mon for intérieur. Flûte de pan ! conclue un chilien de passage.

Je me tasse –c’est un peu fort de café !- derrière le volant. D’autre coups de feu claquent ici où là, puis un bruit de moteur s’invite à la nouba. Bilan du feu d’artifesse ? Jéjé et Mathias s’élancent dans une brève course dans la direction que je devine être celle de l’Austin Mini qui s'éloigne. Pinaud, lui, court dans une toute autre direction derrière son couvre-chef qu’un courant d’air emporte. Le Rouillé et Jéjé abandonnent vite l’inéquitable poursuite.

- Pas de mal, patron ? demande Mathias.
- Pas plus que de femelles ! j’écrie. Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Pozzi s’était planqué dans un buisson, explique Jéjé. Il s’est glissé jusqu’à la Mini pour la subtiliser, et il t’a canardé car tu étais le plus près de lui. Il t’a raté, heureusement : le temps qu’on réagisse, il avait déjà décampé.
- C’est ma chère Maman qui m’a raté, oui ! geins-je. Ce petit malin de Pozzi a pensé à emporter les clefs de son auto, lui, alors que j’ai bêtement laissé celle de la Mini sur le contact. Je suis le roi des ahuris, mégnace ! Sans parler de cette drôlesse de Marie-Emeline qui va jaspiner, pour sûr.

Là-bas, au loin sur la place, Pinaud vient de se fraiser la vitrine en essayant de rattraper bitos rabougri.
- Dites, chef, propose Mathias. Si on reprenait la poursuite avec la chouette auto que Pozzi a abandonné ?
- Tu rames du bulbe, Albinoche, je te dis qu’on a pas les clés. Le temps de trafiquer tout ça, le minus aura disparu pour de bon, tu penses : on lui a fourni la seule charrette qui colle à ses mensurations !
- Le dernier sésame que je vous ai fourni fonctionne aussi pour les autos, précise le Rougeoyant.

Pas faux ! (comme disent tous ceux à qui la mort vient rendre visite) Tu entends souvent parler de mon intemporel sésame, et bien sache que régulièrement, j’en change (quand son fils est allé chez le coiffeur, notre président a dit la même chose : « Jean change ! »), au gré de la modernisation des serrures. Le dernier modèle est effectivement façonné pour le détournement de guinde.

Nous nous ruons dans la Lamborghini (modèle Estoque ! l’un des seuls modèles Berline de la marque), qui nous parait d’autant plus spacieuse que nous sommes un de moins : Pinaud s’est perdu dans la nuit au gré de sa course laborieuse derrière son galurin. D’autor (mais à raison), je prends la place du conducteur. D’autor toujours (et d’auteur ! après tout, c’est moi qui écris), j’enfonce mon sésame magique dans la fente appropriée.

Je vais te dire : heureusement que mes sésames sont stériles, sinon, vu le nombre de portes qu’ils ont violées, ils auraient une descendance longue comme celle du prince Albert II ! (ça ferait des tas de petites clés de huis…) Si en plus je me mets aux guimbardes, mate-moi l'arbre généalogique typé Guiness ! (je ne parle pas de bière)

Ah ! le plaisir de conduire une vraie bagnole ! Monsieur et madame Célère ont un fils ? Jacques ! Mes compagnons en ont le slip plaqué dans leurs fauteuils.
- Où qu’il est parti ? je demande.
- Cours Albert Thomas, signale Eloi en me montrant une artère assez large.

Dans l’obscurité et le désert de la nuit (voilà une expression qui inspirerait beaucoup de mes amis les théatreux contemporains… servez-vous les mecs, régalez-vous, c’est cadeau !), j’aperçois tout juste les feux stops de la Mini qui finissent de tourner à droite, un peu plus loin. Harro sur le truand ! Il ne mesure qu’un mètre et voulait se mesurer à un maître ? Il va se finir par se faire mettre !
- Dites, demande soudain Eloi. Vous pensez qu’il s’est rendu compte que votre collègue était encore sur le toit de la mini ?

Fonce à ta bibliothèque préférée et jette toi sur le dictionnaire, s’il te plait. Puis cherche « stupeur », pour voir. Et si tu as la flemme de faire tout ça, si tu tiens à garder ton inculture crasse, contente toi de regarder ma fiole à cet instant précis, tu auras les grandes lignes de la définition sus-évoquée. Le gros ! Resté sur le toit de la Mini ! Je me retourne pour vérifier si le gone ne se paye pas ma poire (je sais pourtant que c’est au-dessus de ses moyens !), manque de peu de foutre la Lamborghini dans une station essence, redresse en catastrophe, puis pile pilepoil à trois centimètres d’une Super 5 mal garée.

- Pourquoi cet Empaffé n’est-il pas descendu de son perchoir ? m’étouffé-je.
- Aucune idée, lâche Jéjé. On s’en est rendu compte quand Pozzi s’est enfui.
- Pouviez pas me le dire, non ? j’enrage.
- On pensait que vous l’aviez vu, Patron, plaide Mathias pour se couvrir[1].

Je redémarre, inquiet.
- Il aurait pas morflé une bastos des sbires de Pozzi quand on a quitté l'Isara ? demande Eloi.
- C’est ce que je crains, laconiqué-je.

Je mets la sauce. Si Béru est resté immobile et silencieux sur l’Austin mini, c’est qu’il est méchamment blessé ! La Baudruche est restée tant de fois debout et fier après avoir pris des belles roustes… La possibilité d’un coup dur pour l’Hénaurme, voilà une idée qui me fait sérieusement cailler le raisin dans les vaines veines ! Dans la voiture, tout le monde se tait, sauf les 140 chevaux du moteur que je malmène. Las ! Plus trace de la minuscule auto de Marie-Emeline ! Pozzi a du bifurquer un certain nombre de fois et se perdre dans les petites rues alentours. Nada.

[1] Raffinée, celle-là ! Non ? (s) Sana

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