mardi 13 avril 2010

San-Antonio à l'Isara : Epilogue - seconde partie

Où je récapitule pour pas que les lecteurs capitulent

Il est content de me dépasser dans la réflexion, le Dabe. La supériorité de la tête pensante de la police sur les hommes de terrain, ça lui donne des frissons dans les testicouilles. Il suggère :
- Imaginons que je m’appelle Jean Simon. Ou non, plutôt… oui, disons Victor… Hugo. Oui voilà, c’est très bien. Victor Hugo. Vous y êtes ?
- J’y suis, monsieur le directeur !
- Moi, Victor Hugo, je subtilise plusieurs centaines de kilogrammes de drogue à l’Isara. Peu de temps après, trois personnes liées à l'Isara, ayant un prénom pour nom de famille sont tuées. Le fait que les meurtres soient exécutés en modes divers et variés perturbe alors sans doute les forces de l’ordre. Le fait que trois autres victimes aient un patronyme normal également. Mais moi, le coupable, je me méfie ! Je fais le lien ! Je me protège ! Je m’enfuis !
- Permettez un petit compliment, monsieur Victor Hugo ?
- Plait-il ?
- Vous êtes un génie ! Passez moi la familiarité, je ne trouve pas d’autres mots. Evidemment, si le vrai coupable n’était pas dans les premiers interrogés, il devait nécessairement s’inquiéter à l’écoute des actualités.
- Evidemment ! Nécessairement ! répète Achille d’un air entendu.
- Mais cela faisait partie du plan de Durêve. Les dix suspects aux deux noms étaient surveillés depuis le début. Durêve avait posté des guetteurs. La stratégie était bonne : en tuant les suspects déjà interrogés, Durêve appâte la brigade criminelle et pas celle des stups. Ce qui lui assure une certaine discrétion, car même s’ils se font attraper, aucun de ses meurtriers ne sait que tout tourne autour d’une affaire de came. Mais surtout, ces meurtres, pense-t-il, vont forcer le vrai coupable à se démasquer. En fuyant, en se protégeant, que sais-je? comme vous le suggériez.
- Mais Durêve ne surveillait pas les bonnes personnes... il eut fallu qu'il surveillasse son propre demi-frère ! s’emballe Achille. Et, logiqement, aucun des suspects ne s’est trahi…
- Ce qui a plongé Durêve et Leton dans une situation délicate. Les suspects Pierre Charles, Cécile Baptiste et Fabien Henri : questionnés sans succès. Les innocents Jean-Noël Gigonnade, Benjamin Pointe, Jean-Jean Belleride : tués pour la diversion. L’auxiliaire Jeannot Reliure et sa fiancée Jeannette : sacrifiés. Au bout de onze cadavres, toujours pas de mouvement parmi les trois suspects restant !
- La marge de manoeuvre se réduisait ! triomphe le Vieux comme s'il y était.
- Et oui ! C'est pourquoi, avant de s’en prendre aux derniers suspects, Durêve a souhaité explorer une nouvelle piste…
- Laquelle ? demande le Tondu.
- Inutile de faire semblant, monsieur le directeur. Votre modestie vous honore, mais je sais que vous avez deviné.
- Humpf, oui,naturellement, non, je vous en prie, continuez, marmonne Achille.
- Durêve m’a vu près de la troisième victime, à Paris. Il s’est renseigné sur moi, et s’est rendu compte que j’avais, par le passé, montré une certaine aptitude à la résolution d’enquête, si vous me permettez la formule. Il m’a même cru un peu plus rapide que je ne le suis, et a pensé que j’avais déjà le voleur en tête, ou a minima un certain nombre d’éléments à lui apporter. Il a donc capturé un de mes amis dans le but de me faire parler, et m’a donné rendez-vous à l’Isara. But de la manoeuvre : en savoir plus sur son voleur sans avoir à culbuter un ou deux innocents de plus.

Le vieux se lève, fait quelques pas, se rassoit. Il est comme les tennismen qui avant chaque service, font rebondir la balle, toujours le même nombre de fois sans même s’en rendre compte. C’est leur tic à eux. Le sien, c’est de lever, balader, puis rasseoir son triste cul avant les échanges verbaux.
- Pourquoi là ? demande-t-il finalement. Paulo ayant disparu, l'Isara n'était plus aussi accueillant pour ces canailles.
- Certes ! Ils ont du gazer le veilleur remplaçant de Paulo. Mais Leton, à force de travailler la nuit à l'Isara, avait pris ses repères. Et puis l’école est située dans une zone de bureaux, très tranquille la nuit en cas de grabuge. Enfin, puisque cette aventure s’intitule « San-Antonio à l’Isara », il faut bien rentabiliser le titre…
- Admettons. Vous vous rendez donc sur place en avance. Vous déjouez le piège, élucidez l’affaire, puis échappez aux hommes de Pozzi qui a, de son côté et par des voix différentes, également tiré l’histoire au clair. Polo, Durêve et Uduku y laissent la vie. Quant à Leton ?
- Il a été touché à la jambe lors de la première fusillade. Par erreur, sans doute : Pozzi, comme Durêve, souhaitait le garder sous sa coupe : ce chimiste représentait à leurs yeux une corne d’abondance formidable ! Sans connaissance, il a été oublié par nous autres sur place, et probablement considéré comme mort par les hommes de Pozzi qui sont arrivés par la suite. Il est actuellement à l’hôpital Sain-Luc-Saint-Joseph de Lyon. Cette histoire l’a calmé (et non pas camé) : il arrête la drogue et même la chimie. Il a décidé de se mettre à la musique.
- Bien. C'est une vocation plus saine.
Le Dabe, je sais qu'en terme de musique, il est plutôt piano que guitare. Mais il est surtout plutôt science que musique. Mathias m'a dit que le vieux avait rapidement et discrètement essayé d'enrôler Leton dans l'équipe de la police scientifique. Pas fou, le Vioque ! Il a beau chiquer les innocents, je me doute bien qu'il en sait plus que ce qu'il dit. Changement de sujet de la part de Chichille :
- Reste le cas Pozzi. Il est, si mes informations sont bonnes, lui aussi à l’hôpital Saint-Luc-Saint-Joseph, en réanimation. Exact ?

Refroidissement soudain ! Tout récapituler en léchant les fesses du Vieux n’a visiblement pas suffi à le dérider complètement. Le cas Pozzi-Béru le chiffone, il a retrouvé sa gueule d’enterrement. Et pas n’importe quel enterrement : le sien !
- Ecoutez, San-Antonio, solennelise-t-il. Que Blanc, Pinaud et Bérurier aient participé à cette mission sans être assermentés est un problème mineur au regard de l’aide qu’ils vous ont apportée. Mais que ce dernier… fasse… ce qu’il a fait… et dans un lieu public, de surcroit…
- Je ne peux que répéter : nous lui devons d’avoir récupéré la drogue, plus des aveux dans bien d’autres affaires.
- Mais, pour commencer, que faisait-il sur le toit de cette auto ? s’emporte le Dabe.

C'est vrai, à la fin ! Qu'est-ce que le Gros faisait là-haut? Question que je me suis longuement posée... J'explique :
- Pourchassés par les gorilles de Pozzi, nous avons fui l’Isara à six à bord d’une Austin Mini, monsieur le directeur. Cinq à l’intérieur, Bérurier sur le toit. Quand Pozzi nous a dérobé le véhicule, Bérurier était toujours allongé dessus.
- Pourquoi diable n’en est-il pas descendu quand vous vous êtes arrêté ?
- Il s’est endormi, monsieur le directeur.
- Vous plaisantez !

Et non, je ne plaisante pas ! Sa Majestée n’était pas blessée, mais elle s’était simplement endormie sur le toit de la Mini. Pozzi, qui s’est précipité vers la tire en défouraillant sur moi, ne s’en est pas rendu compte. Comprenant que ça allait rapidement barder pour son matricule et qu’il n’avait plus rien à espérer à Lyon, le napolitain mis les adjas, direction : l’autoroute de Turin.

C'est sur une aire d’autoroute, alors qu’il comptait changer de guinde pour éviter les barrages que nous avions fait mettre en place un peu partout avec le signalement de la Mini, que Pozzi a malencontreusement refermé sa portière sur le doigt de l’Hénaurme.

Grosse surprise de Pozzi, grosse rogne du majestueux. Qui commence à tabasser le nain. Découvrant en cours de route qu’il a affaire à Pozzi en personne (dont je lui avais parlé mais qu’il n’avait jamais vu), le Dodu prends l’initiative de donner une tournure interrogative au passage à tabac. Pozzi est un dur : il se tait. Béru sort alors l’artillerie lourde. Les vacanciers en transit sur cette aire d’autoroute perdue de Savoie ont la stupeur de voir le gros, cul nu et pointé à quelques centimètres du naze de Pozzi, poser des questions et loufer quand les réponses ne lui conviennent pas.

Certains essayent bien de s’interposer. Un savoyard courageux s’évanouit en s’approchant un peu trop près des effluves (un Savoyard pourtant !). Un touriste anglais menace, à distance, d’appeler la police, ce à quoi Béru répond en tendant sa brême « Aïe âme oine Flicman maille self, sœur ! ». Convain-cul (poilu et malodorant), le rosbif (heureusement Italophone) va jusqu’à prendre en note les aveux exhaustifs de Pozzi qui, asphyxié, en perd son français. Les notes du rosbif nous permettent de clore l’affaire proprement. Hélas, la méthode, exhibée au grand public, déplait au Chauve.
- Bien, San-Antonio, décrète-t-il, solennel. Merci d’être venu, je vais aviser.

Je mate Achille en me levant. Et décèle un minuscule, ténu, tout petit, rabougri, fripé, piètre, dérisoire et insignifiant bout de sourire à la commissure (de police) droite de ses lèvres. C’est gagné ! Le gros n’aura pas d’ennui. C’est l’effet-prout. Tordu, quand on y pense ! Craquer une louise devrait être aussi normal que respirer ou avoir les cheveux qui poussent. Mais non, non ! Certains, parmi la race prétendument la plus évoluée sur terre, ont réussi à faire de la loufe un élément de gêne. Et, fort heureusement, de rire ! Le Tondu ne fait pas exception et bizarrement, l’équilibre semble pencher du côté de la poilade.

La nouvelle assistante du Vieux me raccompagne jusqu’à la porte. Elle a l’air coquin, tiens, dans sa robe sombre. Je gage que le Dabe la satisfait mal, la pauvre bichette. Elle me semble mériter un chibre tonique, cette petite. Après qu’un minable ait dérobé pour une fortune de drogue, j’estime avoir le droit, moi, de dérober cette gerce. De la déchausser, de la déculotter, de la désoutiengorger.

Je sors d’une nuit blanche, je suis un brin fatigué : va donc falloir qu’elle y mette du sein !

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