jeudi 1 avril 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 20

Ne confondons pas mini-caisse et gros prout

Mon appareil photo me le disait dernièrement : soyons objectifs. La situation aurait bien besoin d’un coup de Lustrine, car elle n’est pas brillante. On est tartes, tous les cinq dans notre cage d’escalier. « Cage », c’est le mot ! Pas d’issue, aucune planque, nada ! Mon optimisme vient de prendre un coup de saton puissant dans les roubignoles : me voilà avec mes fidèles lieutenants, OK ! Mais pris entre deux feux, qui ne sont ni de camp, ni de joie !

Jéjé et Béru canardent l’escadrin, derrière nous, un peu au pif, surtout pour dissuader les sbires de Pozzi de (nous) descendre un peu trop. Pinaud et moi-même, nous essayons d’en finir avec les trois zouaves du hall, qui se sont planqués soigneusement derrière le bureau d’accueil. Combien de temps ça va aller, tout ça ?
- Faudrait tenir jusqu’à l’arrivée de la poulaille, crie Jéjé. Ça défouraille quasiment en continu depuis 20 minutes, ici… y aura bien un particulier du voisinage qui, importuné par le bruit, aura fait le 17 !
- On est dans un coin où crèchent essentiellement des boites ! je réponds. Et pas des boites de nuit ! Les immeubles d’habitation les plus proches sont à tatawin ! Et puis là-haut, les volets étaient fermés, et ici, on est dans une cage d’escalier sans fenêtre… Rien à espérer de police secours, grand !
- On pourrait toujours appeler nous-mêmes ? tente Baderne-Baderne.
- J’en suis là, signale Eloi, portable en main, mais ça me dit que je suis bien en relation avec le commissariat du deuxième arrondissement, merci de patienter quelques minutes.
- J’enrogne d’avoir empêchié le Rouque de faire la pelle à la maison Pébroque du coin dès l’départ, rouscaille Béru. J’ai pêchié par morgueil : j’imaginasse qu’nous fussames capab’ d’gérer la crise entr’nous !

Et moi de lui avoir dit de jouer cassos pour suivre Pozzi : nous n’avons d’aide à attendre de personne. Pauvre Mathias : je l’imagine pistou (pardon : pistant) le macaroni jusqu’à Naples en espérant vainement que nous le rejoindrons bientôt !
- On tenterait pas une sortie tant qu’on en a encore dans le chargeur ? propose Jéjé.
- J’aime cette po-prose-ition ! approuve le Majestueux.
- Ce me semblerait plus respectable que de rester ici pour lâcher la rampe dans cette situation, ajoute le Débris, même si cet escalier offre un double sens amusant à l’expression. Oncques ne sauraient nier que nous avons tous, je parle au nom d’Alexandre, de Jérémy, d’Antoine et de moi-même –excusez mon silence à votre endroit, jeune homme, je n’ai pas le plaisir de vous connaître– oncques, disais-je, ne saurait nier de manière crédible que nous avons survécu à des situations ô combien plus dangereuses et périlleuse qu’icelle (je parle de la situation actuelle). Il serait particulièrement navrant de céder face à de simples maffieux quand les tyrans les plus puissants, les armées les mieux armées, les malfrats les plus fieffés, ont toujours eu à baisser l’échine face à nous autres ! Souffrez, puisque je suis responsable de notre impasse, que je me présente en tête de notre groupe face à l’ennemi.
- C’est fini les salami-lecs, oui ou merd’ ? s’emporte l’Hénorme. J’ai p’us qu’deux dragées dans l’magazine, on y va zou pas ?
- Validé ! approuvé-je, rempli de détermination, bien que mon python soit, lui, à nouveau complètement vidé. Go !

C’est craignos : nous fonçons (petite remarque au passage : le ciel, lui, devrait bientôt commencer à s’éclairer) tête baissée sur trois mecs armés en ayant nous-mêmes des armes quasiment à sec pour soutenir notre assaut. C’est un peu suicidaire, et la probabilité veut que tout ou partie de notre escouade y laisse son slip. Mais tu ferais quoi ? Tu attendrais que ça passe ? Faut avoir déjà été arrosé pour savoir ce que ça fait. Les rafales qui te taillent un short, c’est pas une pécadille, crois-moi (ce que Ponce Pilate disait régulièrement pour rigoler) ! Ça te pousse à l’action, même bête, même désespérée.

Nous nous apprêtons à foncer dans le tas, donc. Ce qui ne s’avèrera, en définitive, pas utile, puisque dans un fracas de vitre brisée et un grondement de moteur poussé à fond de première, une Austin Mini rose vient d’envahir l’Isara. Textuel ! Le bolide fonce doit sur le bureau d’accueil. Panique chez les Italoches ! Nos trois vide-flingues décarrent en quatrième vitesse de derrière leur planque. Trop lentement pour l’un d’entre eux, qui se fait faucher par la Mini. Trop vite pour les deux autres, qui se font cueillir par Jéjé, Béru et Pinuche. Poum, poum ! L’échappatoire de ces messieurs est avancée… (comme les lettres A et B, me signale Bernard Pivot).

On se précipite vers cette arche inattendue : derrière, ça pousse, sans jeu de mots scatophile. Si on veut pas en prendre plein les endosses juste au moment où la fuite par l’avant est possible, faut mettre les bouts. Seulement voilà, vu l’effectif, un monospace eut été plus indiqué ! Jéjé, Pinuche et Eloi se serrent sur la minimaliste banquette arrière ; je prends ma place habituelle, siège voyageur, ce qui ne m’assure aucun confort supplémentaire : il y a à mes pied tout un foutoir électronique que je n’identifie pas ; Béru, enfin, se répand sur le toit, qui ploie sérieusement.

Derrière le bureau d’accueil, j’aperçois le veilleur de nuit, qui, sereinement, continue d’en écraser. Le gaz sopo de Leton étaient aussi bien réalisés que ses bombes ou sa came, ma parole ! Je me dis que ce gardien va avoir une drôle de surprise quand il se réveillera dans un hall ravagé, au milieu des cadavres.

A l’intérieur de la tire, t’aurais pas la place d’ajouter une feuille de papier-cul ! Mathias, providentiel, parvient à redémarrer aussi sec.
- Tu tombes à pic, enflammé ! je m’exclame. Mais ne t’avais-je pas enjoint de suivre Pozzi ?
- Attention, il y a une dénivelée juste après la sortie, répond Mathias.

C’est une réponse comme une autre. Incontestablement, nous dévalons une volée de marches dans une série de secousses considérables. Les pneus et les essieux nous interprètent un duo de grincements en choc bémol majeur, et Béru rebondit plusieurs fois sur le toit, qui s’affaisse de 5 centimètres supplémentaires à chaque heurt. La môme Marie-Emeline va récupérer son auto dans un état moyen, je gage !

- T’es chié, ton coude enfoncé dans ma fesse ! se plaint Jéjé auprès de l’amère Loque.
- J’ai avalé ma cigarette ! s’exclame le Déchet pour toute réponse.
- Recrache pas, je réplique, on a plus la place pour ton mégot !
- Faut lâcher les ch’valets ! s’exclame Béru depuis l’extérieur. Les ritaux nous canardent sans disque-continuer !

Des balles sifflent autours de nous, certaines atteignent la carlingue. Bien que le haut des roues frottent quasiment le châssis, nous continuons d’avancer. D’un geste, j’indique au rouillé qu’il faut mettre les gaz.
- Heureusement que vous n’étiez pas là quand j’ai du effectuer la montée des marches, remarque l’incandescent en accélérant. Ce n'était déjà pas facile à vide...
- Fais-nous pas languir, Rouillé : comment te trouves-tu encore là ? je redemande.
- Vous m’avez demandé de pister le petit homme au costume, patron : le faire avec une Austin Mini rose n’aurait pas été facile, vous êtes d’accord ? Trop visible ! J’ai donc discrètement envoyé un tout petit émetteur aimanté de mon invention sur la tôle de l’auto quand elle est passé à mon niveau. Grâce au radar que j’ai installé à vos pieds, nous pouvons très facilement suivre sa trace. Ainsi, j’ai pu rester et intervenir en votre faveur quand j’ai senti qu’il y avait du grabuge.
- Un génie ! je m’exclame. Comment allume-t-on ce radar ?
- On lâcherait pas un peu de lest avant tout ? demande Jéjé. On étouffe ici !
- Pas le temps : on a des gorilles armés au cul, faut mettre un max de distance entre eux et nous. Et puis, après tout, vous m’avez rejoint pour qu’on résolve l’affaire-Isara tous ensembles. Faisons-le !

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