mercredi 3 mars 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 13

Chasse gardée vaut sans doute mieux que chiasse contenue

Tu veux connaître mes projets, René ? Tu vas sans doute être déçu, mais ils consistent, dans l’immédiat (et dans la cage d’escalier) à une action que même toi tu réussirais ! Je compte en effet éteindre mon téléphone portable.

Je veux que Durêve reste dans le flou, qu’il ne sache pas si j’ai eu son message. Cette cruche compte me rappeler, probablement pour me donner rendez-vous à 5 heures du matin : c’est ce que m’a dit Eloi. Pas besoin, donc, de rester à scruter mon téléphone tel un présidentiable un jour de scrutin. Je coupe tout, et je laisse Durêve se perdre en hypothèses quant à mon silence. Se présenter en position de force, jouer la surprise ! Voilà de bons conseils pour un poulardin junior.

J’ai un doute, cependant : quand il m’a tuyauté sur le rencard, le gone avait-il vraiment surpris une conversation, ou bien m’a-t-il roulé dans la farine ? La voisine du dessus est bien formelle (et bien formée) : Eloi avait l’air normal, et même en grande forme en quittant l’immeuble. Serait-il complice ? C’est un classique, ce plan foireux : un truand fait appel à un flic pour résoudre une affaire dans laquelle il trempe jusqu’au frontibus, et ce, pour n’éveiller aucun soupçon.

Dans ce cas, tout ce qu’il m’a bonni du départ serait truqué à souhait… Dis, franchement, tu te vois relire tout ce magnifique ouvrage en mettant toutes les phrases d’Eloi en négatif ? Moi, j’ai la flemme. Je pars donc du principe qu’il est franco (pas comme Deboeuf !) depuis le commencement, et baste !

Je décide donc de retourner à l’Isara cette nuit, bien armé et en avance. Seul, mais déterminé ! J’en averti toutefois le Flambé, qui m’accompagnera jusqu’à l’école. Si jamais ça tourne mal, il pourra s’organiser avec quelques volailles locales pour donner lasso (comme dirait un cow-boy de ma connaissance). Avec un peu de chance et mon talent, demain matin, tout sera réglé (comme ta petite amie, quel hasard ! à chaque fois que tu envisages une tagada-tagada party sous les draps).

Le rendez-vous que je fixe au Rouquin à trois plombes ne l’ennuie pas plus que ça. Il est do si la la (dirait mon pote le mélomane pétomane) perfection, cet homme là. Il va ronquer quelque peu avant ça. Moi, je ne suis pas tellement fatigué. Je jette un œil à ma tocante : n’ayant pas d’orbite où l’y foutre, elle me le rend, avec en sus une info supplémentaire : il est quasiment minuit. Tu t’en tapes, n’étant pas le docteur Schweitzer ! Reste malgré tout à trouver une occupation avant d’aller faire du Rebecca nocturne dans l’école de ce cher Jean Roquet.

Le monde est un livre[1], chaque endroit est une page. Moi, présentement, j’aimerais feuilleter un peu Lyon, qu’en penses-tu ? Qu’en panse-tu, devrais-je dire : on a toujours rien avalé, si je ne m’abuse. Allez, je vais essayer de trouver un endroit où bâfrer, et, je ne suis pas rapiat, je t’invite ! A condition que tu te tiennes bien et que tu payes ta part, œuf corse.

Je sors tout juste de l’immeuble de Paul Uduku. Comme quoi, je suis susceptible de te balader dans les grandes largeurs : un coup, je te trimbale sur 200km en trois lignes, un coup je t’occupe plusieurs pages simplement pour descendre un escalier...

Si je m’attendais ! La Mini de Marie-Emeline est toujours là, garée en double-file, les warninges allumés. : c’est donc elle qui m’attendait (et pas moi, comme le suggérait le début de ce paragraphe). Deux policiers moustachus en uniforme sont postés devant la vitre du conducteur, et ils ont l’air de trouver ce qu’ils voient très amusant. J’approche[2].

C’est rigolo, ça : la gamine s’est endormie sur place, à poil sur son siège en cuir ! Evidemment, avant de larguer leur prune, les deux matuches se rincent l’œil à qui mieux-mieux (ils font bien de le rincer, on y lit quelque chose de salace).
- Dégagez, les mecs, je leur enjoins. Cette nana, c’est chasse gardée : vous pouvez vos châsses garder pour les immondices qui vous attendent chez vous en regardant la téloche.

Ma brème de commissaire calme toutes leurs velléités de contestation (con t’es station illicite, dans ce cas précis). Je rentre dans la guinde. « Clac », fait la porte en se refermant, et « mmmh » fait la môme en quittant les bras de Morphée. Bras qu’elle quitte visiblement sans regret (il faut dire que les miens sont bien plus cotés auprès des gerces).

- Tout roule, mon bijou ? je susurre.
- J’ai un peu froid ! Il faudrait voir à me réchauffer un peu, commissaire.

Elle doit jouer souvent au billard avec un maladroit, celle-là, pour attaquer bille en tête de cette manière ! Je passe ma main (mais ne passe pas la main !) sur un endroit doublement rebondi de son anatomie : c’est doux, mais frais, effectivement !
- Et si, avant toute chose, nous allions manger un petit quelque chose, jeune beauté ? Ce serait l’occasion pour toi de te rhabiller un peu, et ensuite, nous verrions comment occuper la suite de la nuit, mmh ?
- Mettre les fringues pour les enlever après, c’est comme faire son lit pour le défaire ! ronchonne Marie-Emeline en enfilant son string que j’avais d’abord pris pour un bout de ficelle minus et perdu.
- Dans ce cas, autant ne pas naître, cher ange ! philosophé-je. Connais-tu un petit resto où l’on mange grassouillet ? J’ai une deuxième partie de nuit qui s’annonce coûteuse en énergie.
- Me dites pas que vous planifiez déjà de me faire une infidélité ! Notre histoire commence à peine.
- Allons, Marie-Aline, allons, il s’agit juste d’action violente ! Rien de sexuel là-dedans. Sinon, promis, tu serais la première prévenue.
- Je préfère ça ! Et je m’appelle Marie-Emeline, précise la môme en décarrant.
- Marie-Emeline, Marie-Aline… évasé-je. C’est tellement moche, tout ça. Mais ne nous dispersons pas : à table !
- J’y pense : ma colocataire adore cuisiner. Nous n’avons qu’à aller chez moi ? Elle est très sympa, en plus.
- Haro sur ta coloc, alors !

La colocataire en question (mais surtout en nuisette coquine) est Sénégalaise, elle s’appelle Rama M’Bokou-Leku. Après avoir rapidement avalé deux-trois spécialités de chez elle, nous avons entamé, à trois (mais pas jusqu’à l’aube... si nous avions été à Troyes, ça aurait été jusqu'à l'Aube !), un grand menu plus international. Rama est tout aussi excitée que Marie-Emeline, et pas plus moche. Un poil plus épaisse, peut-être, mais ça paye au niveau des loches et des miches !

Je leur ai fait (de l’effet, certes, mais pas que(ue)) : la nique avec manique, la louche un peu louche, le tablier pervers, on passe à la casserole, la corbeille à fruits de la passion, le noir comme dans un four (par derrière, juste à Rama qui s’y prête mieux), la hotte déhotte, la vaisselle salace, le frigo tout de go, le vit-fouet bien fait, le saladier baladeur, la plaque chauffante bandante (assez difficile à faire à trois), la plaque chauffante s’enflamme (avec la rouquine uniquement, plus adaptée), on passe à table, fous-moi ta baguette dans la huche, l’andouillette pas nette, la toque au taquet, la cocotte pin-up et pour finir, on remet le couvert. Finalement, ce bouquin aura eu l’avantage de dépoussiérer mes polissonneries à thèmes ! Après la salle d’eau, je revisite mon chapitre cuisine !

Autant te dire que quand je rejoins Mathias à son hôtel, je suis en pleine forme !

[1] Danke Schön Nancy Hübner pour cette image tellement poétique, et littéraire par-dessus le marché !
[2] J’ai failli mettre « je m’approche », mais je trouve ça con comme formule : comment pourrait-on approcher soi-même ? Comme si on n’était déjà pas assez près de notre personne ! Sana.

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