lundi 1 mars 2010

San-Antonio à l'Isara : Chapitre 12

Ne pas confondre « un sursis offert » et « des sourcils fournis ».

Les poils de froufrou terminent de crisser sous mon action experte quand les boudins de l’Austin Mini s’y mettent. Les cris de Marie-Emeline et des freins sont, eux, bien simultanés. Du beau boulot ! Encore fébrile, la gamine me montre du doigt une porte d’immeuble toute proche, et également tout porche, puisqu’elle se trouve sous un.

Te dire que je bondis hors de la guinde ressemble autant à un euphémisme que Lionel Jospin ressemble à un coton-tige : malgré les cinq bons mètres qui séparent la porte de l’auto, je ne touche pas le sol sur cette distance. Ce saut majestueux me permet de profiter de l’ouverture de la porte, et donc d’éviter, comme Eloi avant moi, de passer par la case interphone. Je suis d’autant plus content que la nénette qui m’a évité cette peine vaut précisément la peine d’être vue, embobinée, emballée, culbutée, j’en passe et des plus sales.

Tu sais, je viens de faire grimper une mousmée au plafonnier de sa taumobile sans y pendre personnellement trop de plaisir, vues les circonstances. J’ai bien envie, à mon tour, non pas de prendre ma Panhard (puisque que j’ai une Maserati), mais bien mon panard. Et cette grande blonde aux jambes démesurées, laissées visibles par une jupette modeste (et le qualificatif lui-même est modeste ! je me demande bien ce que portent les nanas de Lyon en été, vues leurs nippes en hiver), cette gerce, donc, colle parfaitement à ce type de projet conclu par une projection. Oh, ce bassin… et cette taille ! Je te passe les détails, mais je sens qu’elle a été façonnée tout pile pour moi… Et puis, je suis en train de grimper derrière elle (en attendant de grimper sur elle) l’escalier de l’immeuble, ce qui me permet de constater qu’elle ne porte pas d’ignobles collants une pièce, mais bien une paire de bas, tellement plus classe, tellement ergonomiques au moment du désapage…

Mais je ne peux malheureusement pas plus me désaper que me disperser. J’ai lu sur les boîtes aux lettres que « P. Uduku » habitait au troisième. Je dois avant tout aller y faire du grabuge : il y a là au moins un des vilains de mon gang insaisissable, je ne dois pas rater l’occasion de le chopper par le colback. En débarquant maintenant, la main tenant fermement mon arme, je surprends le type et je lui fais sa fête !

Je m’arrête donc au troisième, laissant à contrecœur (mais surtout à contrebite) la jolie blonde monter un peu plus haut dans les étages. Quand elle se retourne brièvement, je lis dans son regard qu’elle regrette que je ne continue pas l’escalade avec elle jusqu’aux alentours du septième sol.

Ce jeune con, Eloi, me prive de bien des rigolades ! M’enfin. Porte de droite : « P.Uduku ». Mon doigt le plus cuisinier interroge : toque, toque, toque ? Pas plus de raie ponce que de raie Manta. Pas de bruit du tout, en fait (donc pas "en fête"). Je m’étonne : en arrivant ici tout à l’heure, Eloi a entendu son copain parler au téléphone recta ! Et là, podzib ? S’il y a deux personnes là-dedans, je devrai pourtant au moins entendre remuer un peu, non ? Or, je me rends compte à cet instant que le silence doit avoir été lavé par Omo car il est plus blanc que blanc.

Un autre truc devrait faire du bruit, en plus. Tiens écoute : on n’entend plus les pas du canon aux jambes longues, pas plus que je n’ai ouï (ni joui… rha, j’enrage !) le bruit d’un trousseau de clés qu’on sort d’une poche, ni celui d’une serrure malmenée, ni rien.

A ma place, que ferais-tu ? Tu lèverais la tête, pas vrai ? Et bien moi, en tout cas, je le fais. Et j’aperçois ma splendide blondeur, immobile sur le palier supérieur, qui me regarde comme une boulimique zieute une pièce (bien) montée.
- Le jeune garçon qui habite ici est parti il y a quelques minutes, Monsieur, engagelaconversation-t-elle.
- Flûte ! rouspété-je. Et savez-vous s’il était accompagné d’un autre jeune garçon ? Châtain, le mètre 85, bien bâti ? C’est lui que je cherche.
- Il était précisément avec lui, je les ai croisés dans la rue avec un troisième monsieur, il y a deux minutes à peine.
- Ah, bien, bon. Dites-moi, chère madame : avait-il l’air bien en forme ? Je suis son médecin traitant, et je sais que ce jeune homme est le sujet d’évanouissement, ces temps-ci, je m’inquiète pour lui.
- Soyez rassuré, alors : il avait l’air en grande forme.

Ah bon ? En grande forme ! Bizarre, non ? Moi qui le croyais chloroformé… y a un truc tellement louche là-dessous que je pourrais servir une soupe à tous mes lecteur avec ! Le gone aurait-il fomenté une mise en scène avec Uduku et Joss pour me laisser croire qu’il était en danger ? Allons ! Allons ! Je m’égare… à moins que. Combien de fois je me suis trompé sur un de mes alliés ? On ira voir aux archives ! Une chose est sûre : j’ai déjà fréquenté un grand nombre de méchants que j’ai d’abord pris pour des gentils. Alors un prépus, un peu moins…

Pour en savoir davantage, je ne vois qu’une solution, et qu’une chaglatte : celle de la voisine du dessus qui ne porte pas de dessous.
- Dites, madame, puis-je me permettre de vous poser une ou deux questions de plus ?
- D’accord, gazouille la poupée, à condition que je puisse me faire mettre, pardon me permettre de vous inviter à me les poser chez moi ? Nous serons mieux que dans cette cage d’escalier glaciale.

Aussi taudis (l’immeuble est pourtant respectable), aussitôt fait ! Je crois bien que la miss a repéré M. Chibron, qui du fond de mon slip joue à l’incroyable Hulk, la couleur en moins.

L’appartement de « M. Aitrenfilée » (comme me l’indique sa porte) je n'en garderai pas des masses de souvenirs, pour être honnête : à peine entré, ma vue est immédiatement bouchée par une formidable paire de loches ! Je plonge dedans. Que c’est confortable… Quand je relève enfin le ciboulot, je remarque que toutes les fringues ont disparu : Majax n’a qu’à aller se rhabiller !

Autre constat, nous sommes dans une pièce d’eau. Elle est comme ça, M. Aitrenfilée : je suis sûr qu’il y a dans son appartement un lit, un canap, un tapis, un pouf (il y a une pouffe en tout cas), que ne sais-je ? Mais son trip, c’est le carrelage et la céramique. Pourquoi pas ?

Ça me donne l’occasion de piocher dans mon répertoire « salle de bain », pas plus mauvais qu’un autre, bien que moins souvent usité. Je lui fais donc, l’une après l’autre, mais aussi, l’une dans l’autre, dans l’ordre, le désordre, le contrordre, toutes mes positions sanitaires : le robinet droit, le robinet courbe, le robinet fureteur, le rideau de douche-surprise, le pommeau baladeur, la bonde est pleine, le siphon s’y fond, le bidet bandant, la baignoire noire (par derrière), le shampoing-plein-la-moule, la brosse à dent t’y frise, le porte-serviette-levrette, le verre-à-dans l’oigne, le peignoir peinard, le tapis de bain lubrique, le gant de toilette stupréfiant.

Ceci fait, nous nous installons dans la baignoire, où M. Aitrenfilée (je ne lui demande pas son prénom : sur ce que je sais d’elle, cette dénomination lui con-vient tout à fait) fait couler un bain. Installée derrière moi, elle m’enlace doucement en me tripotant la zifolette pour la détendre, ce qui aurait paradoxalement plutôt l’effet inverse.

- Tu es vraiment médecin ? qu’elle demande.
- Faux ! Je suis flic. Je te montrerai bien ma carte, mais j’ignore où mon grimpant a bien pu disparaître.
- Qu’est-ce que tu lui veux, au petit Paul ?
- Lui, je m’en tape. Mais j’aurais deux ou trois questions à poser à une de ses relations.
- Le jeunot dont tu m’as parlé ?
- Non, l’autre qui l’accompagnait tout à l’heure. Tu pourrais me le décrire ?
- Il a un menton extra-long… plutôt jeune, sinon, pas grand-chose de particulier. Il passe souvent voir Paul ces temps-ci. Il l’appelle Joss, je crois.
- Et le jeunot, tu le croise souvent ?
- Jamais vu.
- Et tu es sûre qu’il avait l’air en forme en partant ?

Je ne sais pas de quoi elle est sûre, mais elle est sur moi, en tout cas ! En deux mouvements souples, elle m’a contournée, et elle veut remettre le couvert, dirait-on. Mais j’ai besoin de réponses.
- Réponds, ma douce : le copain de Paul, il avait l’air de marcher sous la contrainte ? C’était un sourire forcé ?
- Non, non, il avait l’air normal. Il gloubloubloub…

La fin de la phrase est sous-marine, car Miss Salle-de-Bain tente une expédition : vit mille lieues sous les mers. Bon… si elle y tient, je veux bien faire le capitaine Nœud-Mo.

Quand je quitte l’appartement de M. Aitrenfilée, je note qu’il y a de la matière sur mon raie-pondeur de messages téléphonique. Quand un footballeur est acheté à un prix indécent, des millions d’euros, il dit : « je les vaux ». Quand j’ai un message vocal, moi je dis : « je les coûte ».

Au moment où j’enclenche le premier message, mon téléphone devient tellement rouge que je devine tout de suite qui en est l’auteur.
« Allo patron, ici Mathias ! Renseignements pris, il semble que le chimiste le plus susceptible d’avoir détourné les travaux du professeur Jumel à des fins malhonnêtes soit un certain Joss Leton. Un étudiant doué mais pas très stable, à l’époque. Je lis dans un doc le concernant qu’il est suivi de loin par la brigade des stups. On m’a dit qu’il était doué plus généralement pour les drogues au sens large : genre GHB (drogue du violeur) et dérivés de ce type. Il semble qu’il soit domicilié à Lyon. N’hésitez pas à me rappeler. »

Joss ? Vous avez dit Joss ? Comme c’est intéressant ! Autre message ? Oui ? C’est parti :
« Commissaire San-Antonio, je souhaiterais vous voir très bientôt. Vous avez mené une enquête dont les conclusions, même provisoires, m’intéressent. Je vous les échange contre la vie de votre jeune ami. Vous recevrez un nouveau message pour fixer un point de rendez-vous. Je vous suggère simplement de ne pas prévoir de vous coucher trop tôt ce soir. »

Numéro caché. La voix m’est inconnue, mais cependant familière... c’est curieux. Jamais entendue auparavant, ça c’est sûr, pour autant j’arrive à mettre une tronche dessus. Timbre grave, accent du sud un peu sauvage, type bucheron... Oui, si j’avais déjà eu l’occasion de discuter avec lui, je suis sûr qu’Yvan Durêve aurait eu cette voix.

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